LE POUVOIR DES MÉLINES
Chapitre 1
UNE JOURNÉE AU REFUGE
Je vole ! Le vent glisse entre mes doigts et caresse mon visage. Comme c’est agréable ! L’air est si doux, si chaud… Je tends les bras, je touche les nuages. Ils sont frais, humides et… râpeux ?
– Hein ? Quoi ? Beurk !
J’entrouvre un œil. C’est Till, ma licorne, qui me réveille à coups de langue sur la joue.
– Oh non ! J’étais au beau milieu d’un rêve !
Vite, je cache ma tête sous ma couette. Mais Till ne l’entend pas de cette oreille. Elle saisit le drap entre ses dents et tire dessus avec insistance.
– D’accord, d’accord, tu as gagné. Je me lève
Noa et les Créatures fantastiques
Je bâille, je m’étire, je me redresse dans mon lit, et j’ouvre enfin les yeux. Le soleil est déjà levé. Il est temps de sortir du lit ! Vite, je tire les rideaux, j’ouvre la fenêtre. Le spectacle est à couper le souffle. Quel endroit merveilleux ! Les fées se réveillent doucement au milieu des fleurs, les sylphes font sécher leurs ailes au soleil, de jeunes kitsunes, des renards à trois queues, viennent se désaltérer à la fontaine.
Dire que ce refuge, qui abrite toutes ces créatures fantastiques, existe grâce à papa ! Et que désormais j’en suis la gardienne ! Mais je ne suis pas toute seule, bien sûr. Nous sommes quatre à nous occuper du refuge et de leurs occupants. Et nous avons tous un don particulier. Moi, Noa, je communique avec les créatures par la pensée. N’est-ce pas formidable ? Chaque jour, je savoure ma chance. Chaque matin ici est un cadeau, une promesse de nouvelles aventures… Mais assez rêvassé, Till tire sur ma manche. « Noa, on y va ? »
– Tu as raison, Till. Une longue journée nous attend. On doit faire le tour du refuge pour vérifier que tout se passe bien pour les créatures. C’est parti
Nous commençons par la clairière aux licornes.
Bonjour, les licornes. Tout va bien ?
Allez, dépêche-toi !
Till, où est-ce que tu files ? On doit passer par le lac des sirènes d’abord ! Reviens !
Till ne m’écoute pas et s’éloigne. Que cette petite licorne est obstinée ! J’aperçois alors deux silhouettes sur la colline, à la lisière de la forêt. C’est Silas et Sora, son animal totem.
Nous, les gardiens, nous avons chacun notre animal totem avec qui on se comprend sans un mot !
Le mien, c’est Till. Notre lien est très fort En pensée, je gronde Till gentiment :
Noa et les Créatures fantastiques
– Tu ne pouvais pas me dire que Silas et Sora étaient là, plutôt que de galoper tête baissée ?
Till les a déjà rejoints. Silas est un des gardiens du refuge. Il prend ce rôle très à cœur ; un peu trop peut-être… Il est toujours sérieux, parle peu et aime la solitude. Son don, c’est de communiquer avec les plantes. Il peut leur faire faire tout ce qu’il veut !
Quant à Sora, c’est une des créatures les plus envoûtantes du refuge : un kirin. Ce grand cerf a le don de régénérer la végétation. Ils se sont bien trouvés, ces deux-là ! Comme Till et moi.
– Salut, Silas ! Qu’est-ce que tu fais là ? Tu ne devais pas aller surveiller les récoltes du jardin des faunes ?
– J’y vais. Mais j’ai fait un détour pour patrouiller le long de la frontière. Je veux être sûr qu'aucune nouvelle brèche n'est apparue.
Notre refuge est protégé par une frontière invisible, mais si une brèche y était ouverte, alors Magnus Shadow, un horrible chasseur de créatures fantastiques, pourrait entrer dans le refuge et nous attaquer ! C’est déjà arrivé une fois. Et Silas craint que cela arrive de nouveau.
Le Pouvoir des mélines
– Pourquoi tu t’inquiètes comme ça ? Maintenant, les mélines sont là ! Ces abeilles fantastiques ont consolidé l’ancienne brèche en y installant leur ruche. Leurs alvéoles sont indestructibles. La frontière est infranchissable grâce à elles. Magnus Shadow ne peut plus revenir ! Silas fronce les sourcils.
– Je connais Magnus Shadow, il ne renonce jamais.
– Tu as raison, Silas. Mais depuis que les mélines sont arrivées, le calme règne dans le refuge. Tout va bien. Profite donc de cette belle journée ; fais comme Till ! Regarde-la !
Till bondit comme un cabri car une méline bourdonne sous son nez. Ma licorne se lance à sa poursuite, zigzaguant entre les herbes hautes. Je me précipite derrière elle.
– À ce soir, Silas ! Bonne journée, Sora ! Je dois finir de faire mon tour avec Till. Mais… Oh ! Till, attends-moi !
La petite licorne galope vite et descend la colline ; j’ai du mal à la suivre. Quels bonds elle fait s’en donne à cœur joie.
Noa et les Créatures fantastiques
– Till, moins vite !
Je n’ai plus de souffle ; je m’arrête un instant pour boire à la gourde que je porte en bandoulière. Soudain, un cri perçant me fait frissonner. Je rejoins rapidement Till un peu plus loin. Elle semble m’attendre.
Mais je m’aperçois vite que si la licorne a interrompu sa course, c’est pour une tout autre raison… Devant Till, un hippogriffe, créature mi-cheval, mi-aigle, gratte le sol de ses griffes, ouvre et referme frénétiquement ses ailes. Son comportement n’est pas normal.
Il semble paniqué, complètement désorienté. Je tente de communiquer avec lui, mais il ne semble pas m’entendre. Je porte alors deux doigts à ma bouche et siffle le signal d’alerte.
L’hippogriffe s’agite, tourne en rond en poussant des cris effroyables. Il lève la tête, nous fixe de ses yeux rouges, mais, mais… il va se jeter sur Till et moi ! Heureusement, pile à ce moment-là, une ombre aux multiples pattes surgit d’entre les arbres. Ouf ! C’est Dexter, un des gardiens, à califourchon sur son araignée, Spinner. Ils ont entendu le signal. Par chance, ils n’étaient pas loin.
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À leur arrivée, l’hippogriffe claque du bec, bat des ailes furieusement, et semble redoubler de panique. J’avoue qu’il y a de quoi ! Moi-même, la première fois que j’ai vu Dexter et Spinner, j’ai été plutôt impressionnée… Spinner est une grosse araignée poilue, et Dexter a deux très longues dents et une queue de castor parce qu’il est à moitié humain et à moitié pukwudgie. Moitié castor, si on veut !
C’est pour ça qu’il est très doué pour les constructions et les inventions en tous genres. D’ailleurs, c’est lui qui a tout construit dans le refuge, avec l’aide de Spinner ! Ils forment une bonne équipe.
– L’hippogriffe est très agité, il va falloir l’attraper ! crie Dexter.
Mais ce n’est pas si simple. La créature bondit partout, fou de terreur ! J’essaie de l’apaiser.
– Du calme ! N’aie pas peur. Tu ne nous reconnais pas ? Nous sommes les gardiens du refuge. On ne te veut aucun mal.
Rien à faire. L’hippogriffe pousse des cris stridents. C’est comme s’il ne m’entendait pas… Mon pouvoir de communiquer avec les créatures ne
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fonctionne plus ? Dexter lance alors une flèche dans le cou de l’hippogriffe, qui se calme aussitôt et tombe au sol, endormi.
– C’est une flèche soporifique. Il va faire un gros dodo ! s’écrie Dexter, soulagé. Emmenons-le auprès de Liv.
Spinner attrape délicatement l’hippogriffe entre ses deux pattes avant. Direction l’abri, où Liv, la guérisseuse du refuge, s’occupe des créatures blessées ou malades. Elle est gardienne, elle aussi, et elle a un pouvoir exceptionnel : elle peut guérir les blessures rien qu’en imposant ses mains. Elle a pour animal totem une magnifique femelle phénix, Mia.
Au milieu des cages et des enclos où les créatures blessées sont en convalescence, nous retrouvons Liv, la tête dans la gueule d’une chimère.
– Cette chimère a une carie qui la fait souffrir.
Je vais devoir lui arracher la dent, nous expliquet-elle en sortant la tête de la mâchoire de la créature.
Oh ! Mais qu’est-ce qui est arrivé à cet hippogriffe
Je lui explique tout. Mia s’approche de la créature.
Pauvre hippogriffe. Je vais le soigner.
C’est étrange ! Rien ne se passe.
Je ne comprends pas, mon pouvoir ne fonctionne pas.
As-tu une autre idée ?
Mia, tu peux faire quelque chose ?
Nous attendons le coeur battant, mais le pouvoir de guérison des larmes du phénix semble sans effet.
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– Je n’ai jamais vu ça, constate Liv, inquiète. Je vais essayer de le soulager avec quelques gouttes de rosée que j’ai fait macérer avec de la fougère centenaire.
Liv attrape un flacon rempli d’un liquide argenté. Elle verse quelques gouttes dans le bec de l’hippogriffe. La respiration de celui-ci s’apaise aussitôt, son sommeil devient moins agité. La guérisseuse pousse un soupir de soulagement.
– Je ne sais pas ce qu’il a, ni pourquoi mon pouvoir et les larmes de Mia n’ont eu aucun effet, mais au moins, il va rester calme.
Liv est préoccupée, et je ne sais pas quoi dire pour la rassurer. Si seulement papa était là… Il saurait quoi faire, lui ! Où est-il ? Pourquoi est-il parti en nous laissant seuls ? Pourquoi ne revient-il pas ? Et s’il lui était arrivé quelque chose ? Till, à qui je ne peux rien cacher, vient se frotter contre mes jambes. Elle me comprend sans un mot. Pourtant, cette fois, sa présence ne suffit pas à calmer mes inquiétudes. Cette question tourne en boucle dans ma tête : où est papa