The Red Bulletin CF 04/25

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PLEINE DE COURAGE

De Harvard aux podiums : l‘odyssée de Morgane Herculano, la meilleure plongeuse de haut niveau de Suisse

Romina Amato

La photographe capture l’insaisissable dans les sports d’action. Le cliff diving est l’une de ses spécialités. Pour nous, elle a suivi la Suissesse Morgane Herculano lors des Red Bull Cliff Diving World Series en Italie. Page 40

Pauline Krätzig

La journaliste originaire de Munich, qui contribue aux magazines NZZaS et Esquire, sait créer une proximité particulière avec les personnes qu’elle décrit. Pour nous, elle s’est plongée dans l’univers de la streameuse suisse Elquaria. Page 52

Lorenz Langenegger

Le scénariste et auteur suisse de pièces de théâtre et de romans vit entre Zurich et Vienne. Dans notre chronique On A Positive Note, il se frotte à ses critiques les plus féroces. Page 96

Cliff diving et Ivy League. Des sauts à plus de 20 mètres de haut et un job exigeant dans la finance : Morgane Herculano unit deux mondes qui, à première vue, n’ont pas grand-chose en commun. Comment est-ce possible ? Page 40, la Suissesse raconte les émotions qui l’assaillent juste avant le grand saut… et les événements de sa vie palpitante.

La streameuse Elquaria mène, elle aussi, une vie bien loin du quotidien.

Des marathons Twitch qui durent jusqu’à l’aube à la mise en place d’un cadre sécurisant, elle a réussi à bâtir une communauté bien au-delà des frontières du monde virtuel, page 52.

Et en bonus pour bien démarrer la nouvelle la saison de hockey sur glace, The Red Bulletin t’offre un calendrier détachable de la National League suisse pour suivre tous les matchs, page 66 !

Bonne lecture ! La Rédaction

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Héros & Héroïnes Dakota Johnson

Hockey sur glace

Ton calendrier 66 à détacher

Tous les matchs de la National League suisse 2025/26.

Le créateur de contenus Jannis Reichmuth teste l’Hyrox.

Les photographes Ashley et Jered Gruber immortalisent les plus grandes compétitions cyclistes au monde. Incursion dans leur monde chaotique.

Cliff Diving

La plongeuse suisse Morgane Herculano ne se satisfait que de résultats brillants. La preuve. Gaming

Elquaria développe une nouvelle forme de streaming : une communauté en ligne fondée sur l’authenticité et un sentiment de sécurité. Cinéma

Dernier défi en date pour Brad Pitt : rouler sur un circuit de F1 dans le film éponyme (et dans lequel il est la vedette). Logique.

Fitness

En quoi l’Hyrox est-il un sport à part ? Réponse avec Jannis Reichmuth et Alexis Bernier.

THE COO LER B RA ND

Hudhuranfushi, Maldives

Prise d’air

Leon Glatzer a deux passions : surfer le creux de la vague, ou s’envoler au-dessus d’elle. Le voici ici, face à Hudhuranfushi, une île-hôtel de 800 mètres de long sur 400 mètres de large, située au large de l’atoll de Malé Nord, aux Maldives. Élevé au Costa Rica, Leon a notamment représenté l’Allemagne aux Jeux olympiques de Tokyo. Ses points forts, qui sont aussi devenus sa signature : des airs innovants et spectaculaires.

IG : @leonglatzer

La Haye, Pays-Bas

Qui va là ?

Créativité et habileté sont de mise lors du Red Bull Stalen Ros. Mais de quoi s’agit-il ? D’un clin d’œil complètement déjanté à la tradition cycliste néerlandaise ! Des téméraires s’élancent sur des montures aussi loufoques qu’originales, pour tenter de franchir un parcours flottant ultra glissant… sans finir à l’eau. Un défi d’équilibre où le seul objectif est de rester au sec ! Après avoir fait sensation aux Pays-Bas, l’événement débarque pour la première fois en Suisse, à Lausanne, le 14 septembre prochain. Toutes les infos sur cet événement réservé aux intrépides en scannant le code ci-contre.

Col de l’Oberalp, Suisse

Un homme, un parapente et un calme absolu. Ce qui ressemble à un vol de loisir au-dessus du col de l’Oberalp est en réalité la course d’aventure la plus dure au monde. Lors du Red Bull X-Alps, il ne suffit pas d’avoir des compétences de vol parfaites, il faut aussi faire preuve d’une endurance physique extrême, comme celle de Simon Oberrauner (photo). En 2025, les athlètes Hike & Fly ont parcouru la distance record de 1 283 km, marchant jusqu’à 100 kilomètres (et 4 000 mètres de dénivelé) par jour.

L’effort a payé : Oberrauner est arrivé troisième. Les infos sur le parcours, les athlètes et encore plus d’images du Red Bull X-Alps en scannant le code ci-contre .

Elle rafle tout

La chanteuse anglo-albanaise

Dua Lipa enchaîne les records à un rythme impressionnant. Cette année, l’icône pop fête ses 30 ans. Voici quelques chifres insolites qui jalonnent sa vie.

1

livre par mois, voilà ce que recommande de lire Dua Lipa sur service95.com, sa plateforme communautaire. Elle y publie aussi des interviews avec les auteurs et autrices.

223

jours, c’est le temps qu’il a fallu en 2018 pour que New Rules atteigne le milliard de vues sur YouTube. À 22 ans, Dua Lipa est alors la plus jeune chanteuse à franchir ce cap.

11 ans, l’âge qu’avait Dua Lipa lorsqu’elle a déménagé avec ses parents au Kosovo, leur pays d’origine. À 15 ans, elle est revenue à Londres pour être mannequin.

45 000

éléments brodés sur la tenue Chanel que portait Dua Lipa sur le tapis rouge du Met Gala 2025. Cette tenue a nécessité 2 000 heures de travail.

28 4 000

C’est le nombre de tickets vendus par Dua Lipa pendant la pandémie de 2020 pour son concert Studio 2054, diffusé en direct dans 150 pays… Un record mondial !

5

chansons de Dua Lipa font partie des 100 les plus streamées sur Spotify, dont Cold Heart (PNAU Remix), son duo avec Elton John. Seul Bruno Mars est plus populaire, avec six titres.

33

le nombre de dents qu’elle dit avoir. Normalement, un adulte en a 32 – y compris les dents de sagesse. Elle l’explique ainsi : « J’ai juste beaucoup d’ambition ! »

128,1

millions de francs, c’est le patrimoine estimé de Dua Lipa en 2025. Elle est la plus jeune du classement des 40 personnes de moins de 40 ans les plus riches au UK.

23

coloris différents sur la palette des rouges à lèvres YSL Loveshine, lancée par Dua Lipa en collaboration avec la maison de couture Yves Saint Laurent.

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Tout pour plaire

Avec les e-skateboards d’Onsra, tu peux sortir des sentiers battus – à fond les ballons. Kirafn, notre expert tech, a fait un tour avec pour tester la bête.

Kirafin

De son vrai nom Jonas Willbold, 31 ans, il divertit son 1,3 million d’abonnés sur TikTok avec des formats humoristiques. À côté, il suit sa passion pour les produits tech et les tendances numériques. Pour nous, il teste les hypes du moment.

L’objet

Fabriquée en carbone, cette planche est aussi légère que solide. Tourne la molette de la télécommande, et les deux moteurs électriques te propulsent jusqu’à 70 km/h, selon le fabricant suisse. Grâce à ses trucks stables et à ses roues crantées, le modèle Velar est tout terrain. Prix : à partir de 2 790 CHF.

Le buzz

La vague de hype

Son prix limite les vidéos TikTok, mais celles qui existent deviennent virales, comme celle de @fabiandoerig, avec 15 millions de vues.

Pour moi, c’est une alternative compacte (et super fun) à la trottinette électrique. Attention : en Suisse, tu ne peux l’utiliser que sur terrain privé. Et perso, je ne le conduirais qu’avec une armure complète. Mais si tu as de l’expérience en skate et le budget : fonce !

Parfait pour…

… les skateurs et skateuses fan de vitesse et de technologie, en quête d’aventures en pleine nature.

Pas fait pour…

… les puristes du skate, pour qui une vraie planche est en érable et le mouvement vient des jambes.

AIIILES AVEC ET SANS SUCRE.

Dakota Johnson

Elle a Hollywood et Cannes à ses pieds mais garde la tête sur les épaules : l’actrice et productrice américaine n’a toujours écouté que son cœur pour avancer dans la vie – et ça lui réussit plutôt bien.

Difcile de faire plus privilégiée : flle de Melanie Grifth et de Don Johnson (Miami Vice), belle-flle d’Antonio Banderas et petite-flle de la muse hitchcockienne Tippi Hedren, Dakota Johnson est littéralement tombée dans la marmite hollywoodienne quand elle était petite.

« Chez nous, c’était comme dans un cirque, racontait-elle il y a quelques années. On était toujours entourés de personnalités géniales… et parfois un peu perchées. Alors non, Hollywood ne m’impressionne pas, au contraire : c’est comme une grande famille. »

Et pourtant, loin de se reposer sur ce pedigree impressionnant, Dakota n’a jamais cessé de se réinventer, au gré de ses envies, toujours guidée par son instinct et ses passions. Après un début de carrière très remarqué en tant qu’actrice, avec des succès comme Fifty Shades of Grey, Madame Web ou Suspiria, l’Américaine de 35 ans s’épanouit désormais dans la production et la mise en scène – sans pour autant tourner le dos à ses premières amours : car si elle aime toujours autant jouer la comédie, Dakota Johnson veut aussi explorer toutes les facettes du cinéma.

C’est ainsi qu’elle fonde en 2018, avec sa meilleure amie Ro Donnelly, la société de production TeaTime Pictures, pour laquelle les deux femmes partent à la recherche des scénarios qui leur plaisent, ceux qu’elles ont envie de porter à l’écran. « J’adore produire, a-t-elle confé lors d’une interview au Festival de Cannes. J’ai une relation compliquée avec cette industrie. C’est un mélange d’amour et de haine. Parfois, c’est vraiment la merde ! Mais il y a aussi des moments, comme

Focus

Naissance Austin, Texas Âge 35 ans Fait ses débuts au cinéma à 9 ans, aux côtés de sa mère dans Crazy in Alabama Connaît la célébrité avec Fifty Shades of Grey A dû suivre un entraînement de danse intensif de six mois pour le tournage de Suspiria

hier, où toute une salle éclate de rire en regardant ton flm. Et ça, c’est un cadeau merveilleux. »

La veille, justement, son flm autoproduit, Splitsville, qui sortira le 10 septembre, a créé la surprise sur la Croisette. Une comédie fne et subtile sur deux couples d’ami·e·s qui explorent les relations ouvertes – pour certain·e·s critiques, le meilleur flm du festival. L’idée est partie d’un script écrit par les scénaristes de The Climb, très appréciés des deux productrices. En plus de produire le flm, Dakota Johnson y tient l’un des rôles principaux aux côtés d’Adria Arjona. Un pari gagnant qui marque à la fois un triomphe et les débuts de Dakota à Cannes.

Pêcheuse de perles

« Chez TeaTime, on adore les projets comme Splitsville, qui nous permettent de découvrir des nouveaux talents dont personne n’a encore entendu parler et de se dire : “Wahou, une pépite !” », explique Dakota. Et ce fair, elle le met au service d’un environnement sain : « Sur nos tournages, une règle d’or : tolérance zéro envers les totox ! »

Les grands pontes des studios, qui snobaient autrefois ses idées, Dakota peut désormais les ignorer tranquillement,

car elle a su convaincre nombre de pointures hollywoodiennes, et pas des moindres : Sean Penn, rencontré sur le tournage de Daddio. L’acteur oscarisé est une pointure, respecté pour son engagement humanitaire et ses idées, mais craint pour son caractère imprévisible. Une personnalité hors normes que Dakota a réussi à mettre dans sa poche – en une seule visite : « Elle a débarqué un jour chez moi –on est voisins – avec le script », confait Penn à propos du flm.

De l’autre côté de la caméra

Ce projet sur une conversation inattendue entre un chaufeur de taxi et une jeune New-Yorkaise s’est révélé être une bénédiction pour l’acteur vétéran : « C’était la meilleure expérience que j’ai eue de ma vie ! Ce flm, c’est un cadeau dont je ne savais même pas que j’avais besoin. J’avais hâte de tourner chaque matin ! » Dakota sourit en entendant ces mots. Derrière ce sourire, une femme à la vision afrmée : « En passant ma vie sur les plateaux de cinéma, j’ai appris à créer une bonne énergie pendant les tournages, et c’est quelque chose que Sean a ressenti, je pense. »

Forte de cette première consécration, Dakota veut désormais passer à la vitesse supérieure. Faute d’intérêt des plateformes pour sa série sur l’amitié queer, la sexualité et l’identité, Dakota s’est lancée toute seule – avec un court-métrage intitulé Loser Baby. Un vrai plaisir pour elle : « Réaliser, c’est un tout autre processus ; j’ai adoré chaque seconde. » Il ne fait aucun doute que Dakota rayonne d’une énergie résolument positive et contagieuse. Qui plus est, une nouvelle page s’ouvre pour elle : TeaTime se transforme en plateforme et lance un club de lecture pour promouvoir les jeunes auteurs. Depuis le 2 juillet, on peut aussi la voir dans la comédie romantique Materialists, aux côtés de Pedro Pascal et Chris Evans. Elle y incarne une entremetteuse à succès, qui fnit par tomber amoureuse de… deux hommes à la fois. Un happy end en vue ? Peut-être. Mais en attendant, Dakota Johnson continue de suivre la route qu’elle s’est tracée, en toute indépendance.

IG : @dakotajohnson

« Sur mes tournages, une règle d’or: tolérance zéro envers les totox ! »
Dakota Johnson sait mettre une bonne ambiance sur un plateau.

Camille Losserand

Un pied à Lausanne, l’autre à Tarifa. À 21 ans, la kitesurfeuse suisse, Championne du monde de big air, maîtrise déjà l’art du flow, du timing et du saut parfait. Mais comment en est-elle arrivée là ?

Ce qui la distingue des autres athlètes ?

Son niveau en freestyle, et en vagues, qui a propulsé la quadruple Championne d’Espagne au rang de Championne du monde de kitesurf en 2023, deux ans seulement après avoir débuté sa carrière pro. Dans la droite ligne d’une Anne-Flore Marxer ou d’une Mathilde Gremaud qui s’eforcent de réduire les écarts (rétributifs pour l’une, techniques pour l’autre) entre hommes et femmes dans les compétitions sportives, voici Camille Losserand, 21 ans, fère relève du sport extrême en Suisse ! Dans son cas, l’exploit est né du paradoxe : concilier le kitesurf, et le paysage alpin ! Éclairage.

the red bulletin : Qu’est-ce qui t’a motivée à poursuivre une carrière dans le sport extrême ?

camille losserand : Vivre en suisse et s’entraîner, ce n’est pas facile vu que les conditions météo sur un lac ne sont pas favorables au kite. Je suis partie en Égypte avec mon coach, Fabio Ingrosso. Et c’est là que tout a vraiment démarré. J’avais 16-17 ans. C’est lui qui est venu me chercher pour me préparer aux JO (en race à l’époque, qui n’était pas sa discipline de prédilection, ndlr), et c’est grâce à lui que je suis ici aujourd’hui car il m’a poussée dans mes limites.

Que ressens-tu quand tu t’envoles ?

La liberté, et aussi, une déconnexion. Je suis avec mon kite, avec les éléments, je ne pense absolument à rien, juste à ce que je fais dans le moment présent. C’est une petite forme de méditation pour moi.

Focus

Figure la plus badass

Le front roll rodéo contra loop Chanson fétiche Let It Happen, de Tame Impala Podcast favori Hugo décrypte Formation Camille projette de s’inscrire à l’uni en ligne en marketing digital

Est-ce que ça t’arrive d’avoir peur ?

Oui, parfois, notamment au moment de réaliser de nouvelles fgures… Surtout que quand le vent est fort, tu peux aller haut assez vite. Mais j’essaie d’ignorer les doutes et de rester concentrée sur ce que je fais afn de visualiser ma fgure. Je suis aussi très à l’écoute de mon intuition. Si je ne me sens pas de faire quelque chose, c’est qu’il y a une bonne raison.

Quelle est ta plus grande réussite ?

D’être arrivée Championne du monde en big air, ici en Espagne, à Tarifa. C’était une compétition que j’avais envie de gagner depuis un petit moment, donc l’avoir réussie, ça en a fait un moment unique ! C’était vraiment spécial parce que mon coach était là, et aussi toute ma famille et mes ami·e·s de Suisse.

D’autant plus spécial que tu es la première femme à l’avoir réussi, ce fameux front roll rodéo contra loop… Oui, c’était pendant la fnale. Avant d’entrer sur l’eau, mon coach m’a aidée à visualiser le saut, sachant que je leadais déjà le hit, c’est-à-dire que je gagnais déjà ; il me restait encore un saut à faire, alors j’ai tenté celui-là. Je l’ai passé du premier coup ! J’en ai eu des frissons partout !

Combien t’es-tu entraînée pour ce saut ?

C’est ça qui est fou, je ne l’avais jamais essayé avant. Mais mon coach savait que j’en étais capable, car il était similaire à un saut que je maîtrisais déjà. Alors Fabio m’a poussée à le faire, et c’est passé ! Je n’ai pas trop compris ce qu’il se passait…

Quel est le déf le plus important auquel tu as été confrontée ?

Ce que j’ai vraiment dû travailler, c’est mon niveau en vagues. Comme je vivais seulement en Suisse au départ, l’accès à l’océan n’était pas simple, donc je devais souvent partir à l’étranger pour m’entraîner. Il m’a fallu deux ou trois ans pour vraiment me sentir à l’aise. Aujourd’hui, j’ai un bon niveau, mais je sais que j’ai encore énormément à apprendre. Je suis dans une démarche de progression, chaque session est une occasion de repousser un peu plus mes limites.

D’où puises-tu ton inspiration ?

De plein de petites choses. Même dans d’autres disciplines, il y a des athlètes de mon âge, comme Carlos Alcaraz, numéro deux mondial au tennis, qui m’inspirent beaucoup. En kite, je pense à Airton Cozzolino, qui a été plusieurs fois champion du monde. Et Matchu Lopes, avec lequel je m’entraîne souvent, il me coache pas mal. Il a un niveau juste incroyable.

Comment vois-tu l’évolution du kitesurf féminin ?

Depuis que j’ai commencé la compétition, il y a une énorme progression chez les femmes, en vagues comme en freestyle ; mais un gap persiste et j’aimerais le gommer. C’est pourquoi, quand je vois des hommes faire des sauts que des femmes ne font pas, je vais l’essayer quand même.

Si tu devais donner un conseil à ton « moi » plus jeune, que serait-il ?

De pas lâcher, de continuer à persévérer. Quand j’étais ado, en Suisse, je me demandais : « Est-ce que ça sert vraiment à quelque chose de persister à faire du kite et à m’entraîner pour des compétitions ? » Je lui dirais qu’il faut continuer à croire en ses rêves, que tout est possible, et qu’il faut faire confance à la vie.

camillelosserand.com ; IG : @camille_losserand

« Chaque session est une occasion de repousser un peu plus mes limites. »
Camille Losserand , kitesurfeuse suisse pro spécialiste big-air strapless (sans cale-pied).

Daoud

Le trompettiste français revient avec ok, un uppercut de jazz hybride qui transforme le chaos en fête et rappelle que cette musique appartient à tout le monde.

Certain·e·s diront que le jazz, c’est une musique élitiste, d’autres que c’est de l’impro, de la musique noire, quelque chose d’inaccessible ; quant à moi, je dirais qu’il s’agit de l’incarnation d’une vibration, de la transmission d’une énergie pure, bien réelle et parfois clivante qui flirte avec des genres musicaux plus populaires ou expérimentaux. Des propos que j’appliquerais volontiers à la musique et au dernier album proposé par Daoud, un band de jazz français, au sein duquel évolue le trompettiste Daoud lui-même. Sur scène, le musicien toulousain maîtrise aussi bien l’art du souffle que de la tchatche, offrant l’image – rare en France – d’un leadership de jazz à la fois hype, modéré et nécessaire. Après tout, le jazz, c’est la fête, non ?

Ces mots-là, je les avais griffonnés en sortant du New Morning, à Paris, au début de l’été 2025, encore ivre d’une cérémonie à la fois punk et spirituelle. Daoud venait de nous rappeler, trompette brandie, que le jazz est avant tout affaire de célébration et de partage – un uppercut d’émotions taillées tant pour le corps que pour l’âme.

Trompettiste aux mille vies

Daoud porte son pavillon comme on brandit un fanion : haut, parfois défraîchi, toujours incandescent. Son nouveau disque, ok, paru chez ACT, est promesse d’une transe poétique et résolument moderne, prête à secouer les puristes et à captiver les novices. Chaque note y résonne comme un rappel : le jazz n’a pas d’âge, seulement un besoin impérieux de liberté.

Vendôme, Bruxelles, Édimbourg, Toulouse… Sa route dessine une carte postale en négatif où les angles blessent plus qu’ils ne caressent. « J’ai été croque-mort », confie-t-il dans un rire qui claque, évoquant ce détour « hyper social » après avoir

Focus

Sous le plus grand chapiteau du monde 1952 Réalisation Cecil B. DeMille Synopsis Plongeon dans la tournée d’un cirque, entre rivalités amoureuses, clown au passé trouble et accident ferroviaire qui met à l’épreuve la devise : The show must go on

dormi dehors en Écosse et servi des bières dans « le club de strip-tease le moins cher de toute la Grande-Bretagne ». Les échecs deviennent matière à souffle : il quitte le conservatoire d’Amsterdam pour partir en tournée avec Pokey LaFarge, se retire trois ans dans le Gers avant de revenir d’urgence à la trompette, poursuivi par le mantra “zero killed” : cocher chaque jour la case de la vie pour recommencer le lendemain.

Sur scène, rien n’est figé. « Ils sont obligés de me faire confiance. Il n’y a quasiment rien de scripté dans le concert », admet-il en mentionnant ses musiciens. Daoud change la set-list en plein vol, invite des camarades, se coupe parfois les cheveux sous les projecteurs comme dans son clip dijon : chaos maîtrisé qu’il revendique jusque dans le studio. « Je suis un peu un malade : compo, arrangements, une partie du mixage et du mastering… je produis tous mes albums. » La trompette, choisie à six ans, en 1996 « parce que les clowns en jouaient », est le prolongement d’une vie double, intime et spectaculaire. Et tout ça, parce qu’il a regardé « bien trop jeune » le film de Cecil B. DeMille, Sous le plus grand chapiteau du monde (en V.O. : The Greatest Show on Earth). Être vivant avant d’être musicien. C’est dans les clubs spécialisés comme sur les scènes plus généralistes – La Machine du Moulin Rouge l’attend en novembre, face à un public habituellement de teuffeur·euse·s – que le quartet prouve qu’un

jazz exigeant peut demeurer accessible. Daoud s’en fait la mission : « Mon but, c’est de légitimer au max les gens qui voudraient jouer du jazz ou aller dans les lieux comme le Duc des Lombards, mais qui n’osent pas. Quitte à se froisser parfois avec son tourneur afin de montrer que la fête peut être savante sans perdre son innocence.

Embrasement et acceptation

Alors, après le remarqué GOOD BOY paru en 2024, Daoud continue de bousculer les conventions avec son nouvel album ok. Construit autour de l’idée d’accepter l’inéluctable – “ok, fuck it, it’s fine I guess” – cette fresque de quatorze titres mêle tragédie et humour, chaos et tendresse, mélodie et éclat. L’enfant terrible du jazz orchestre un casting cinq étoiles, confirmant son talent de trompettiste, beat-maker, producteur. On y croise la lumière contemplative de plato’s twins, né d’un break en morse griffonné au Canada ; la rage élégante de le bâtard, où le saxophoniste polonais Kuba Więcek exalte la question d’identité, celle de Daoud et de toutes les personnes multiples ; la cinématique mouvante de l’œil de jules, hommage changeant à son chat borgne qu’il ne voit plus, faute de rupture amoureuse. Chaque morceau pulse comme un battement de cœur contrarié, rappelant que l’acceptation n’est jamais résignation, mais embrasement. À 35 ans, celui qui dit parfois « ne pas être sûr d’être passionné de musique » persiste pourtant, parce que la scène demeure le lieu « où l’on propose quelque chose que personne d’autre ne va proposer ». Entre standards dynamités et clubs conquis, Daoud veut transmettre un cri clair, une vibration brute, une poignée de notes capables de faire danser un·e novice comme un·e érudit·e.

Quand il arrache un joyeux « Oh merde! » à la foule, sa trompette achève la phrase dans un éclat de cuivre avant un dernier temps de percussions. Le jazz se révèle alors : vivant, transpirant, furieusement accessible et, grâce à Daoud, plus indiscipliné que jamais, mais toujours dans le partage et la maîtrise.

IG : @daoudmusic ; Daoud en concert le 2 octobre au Jazz Club Millennium, à Montreux.

« Le but, c’est de légitimer au max les gens qui voudraient jouer du jazz. »
Daoud au sujet de l’élitisme encore présent dans la scène jazz en France.

La course au cliché parfait !

Les photos d’Ashley et Jered Gruber montrent le cyclisme d’élite différemment. Et leur job est tout aussi frénétique, éprouvant et dangereux que celui des athlètes elleux-mêmes.

Texte Alex Lisetz Photos Gruber Images

La délivrance

« Pour Julian Alaphilippe, sa victoire d’étape au Giro 2024 a marqué la fin d’une période très pénible, tandis que moi, j’étais en pleine crise, raconte Jered Gruber. Après une chute à moto lors du Tour des Flandres, j’étais incapable de marcher pendant plusieurs mois, alors j’ai expérimenté avec des images télévisées. Celle-ci a été prise avec mon Nikon Z8 depuis le canapé. »

Triomphe en vue

Lors de l’ultime étape du Tour de France 2019, Jered Gruber réussit l’un de ses clichés préférés avec son Nikon D850 : « J’étais monté sur une poubelle, vue plongeante sur l’Arc de Triomphe, soleil dans l’axe parfait, 1/200e de seconde d’exposition. Ce cliché est désormais impossible : le public n’est plus autorisé à cet endroit. »

Derrière les photos d’Ashley et Jered Gruber, il y a 50 % de planification minutieuse, et 50 % d’intuition.

« Avant chaque course, nous repérons sur Google Maps les endroits potentiels pour prendre des photos, explique Ashley. En route, il m’arrive de signaler à Jered par radio l’emplacement d’un mur particulièrement pittoresque ou d’un passage original dans un village. » « Sur certaines courses, tu n’as que trois ou quatre occasions de faire une bonne photo, ajoute Jered. Il faut toujours avoir une longueur d’avance sur les coureurs, on fonce par des chemins de terre ou des routes secondaires pour atteindre le prochain bon spot. »

Clin d’œil

« De la chance pure. Julian Alaphilippe, l’un de mes coureurs préférés, regarde dans ma direction. Je suis sur une moto, quelque part en banlieue parisienne, lors du Tour de France 2023, et le jeune fan en arrière-plan fait exactement le même mouvement de tête. Ce genre de moment, c’est impossible à anticiper ! »

La route de demain « Lors des contre-la-montre, nous nous contentons parfois de suivre le parcours en ouvrant l’œil pour repérer de bons spots, précise Ashley Gruber. Comme ici, lors du contre-lamontre par équipes du Tour 2019 à Bruxelles. Associé aux maillots éclatants de l’équipe EF Education First, ce cliché a pris une touche vraiment futuriste après éditing. »

Les photographes

Ashley et Jered Gruber, âgé·e·s respectivement de 37 et 42 ans, travaillent et vivent ensemble. Le couple fait partie des meilleur·e·s photographes de cyclisme au monde.

Vitesse de réaction

« Pour une image originale, il faut penser en dehors des clous, dit Jered. C’est pour ça que lors du Tour de France 2024, j’ai calibré mon objectif à 20 images/sec. à travers les vitres de la cabine sur la ligne d’arrivée. Ici, les coureurs passent à 60 km/h, c’est un pur hasard que j’ai réussi à capturer Tadej Pogačar. »

Ashley et Jered Gruber forment un duo exceptionnel : « Lors des classiques du printemps, on se répartit les courses masculines et féminines. Sur le Tour de France et les autres courses importantes, on est tous les deux à moto, en voiture ou à pied », explique Ashley. Quand il et elle ne sont pas à Athens, en Géorgie (aux États-Unis) ou à Alta Badia en Italie, le duo américain est sur la route et partage chaque fois les mêmes épreuves physiques et mentales que les coureuses et les coureurs qu’il photographie. Depuis sa grave chute sur le Tour des Flandres en 2024 (sa moto avait dérapé sur les pavés humides lors d’une liaison entre deux tronçons), Jered se sent encore plus proche des athlètes : « Après avoir subi cette grave blessure au genou, je comprends mieux ce que cela signifie de se battre pour revenir au sommet. Lors de mon comeback sur le Tour des Flandres 2025, je me suis payé un tour de Grand Huit émotionnel. »

Entre les lignes

La photo des coureurs Red Bull –Bora – hansgrohe, Nico Denz et Matteo Sobrero, a été prise (derrière un ruban de chantier) lors de la 2e étape du Tour de France 2024 à Bologne. Elle réveille un souvenir embarrassant chez Jered : « J’ai commis un impair monumental. Je me suis placé juste devant la caméra d’arrivée… Je ne me suis jamais fait crier dessus aussi fort de ma vie ! Aujourd’hui, on en rigole. »

Dans l’œil du cyclone

Lors de l’étape de l’Alpe d’Huez sur le Tour de France, près d’un million de fans s’entassent sur le bord de la route. « En 2022, Ashley s’est postée quelques kilomètres avant le sommet, moi à hauteur du Dutch Corner dans le septième virage. Là, j’ai réussi à capturer Wout van Aert, un de mes cyclistes préférés : un immense champion ainsi qu’un éternel malchanceux. »

« Il y a les coureurs qu’on admire et ceux qu’on aime, comme Wout. Quand il passe, on ne l’acclame pas de la même manière. »
Jered Gruber

TAKE ELECTRIC TO THE STREETS. JCW SPIRIT

DAME DE CŒUR ET DE CRAN

Morgane Herculano plonge de falaises de 22 mètres de haut.

Elle est la première Suissesse à participer aux Red Bull Cliff Diving World Series. Entre passion et pression, elle aborde avec nous un sujet tabou : l‘angoisse de la performance avant le grand saut.

Texte Christof Gertsch Photos Romina Amato
La plongeuse de falaise et économiste de haut niveau Morgane Herculano à Polignano a Mare, en Italie.

Savez-vous combien de temps dure un plongeon depuis cette hauteur ?

Moins qu’il n’en faut pour lire cette phrase.

Mais pour en arriver là, il faut la moitié d’une vie.

Morgane fait abstraction de tout ce qu’elle ne peut pas contrôler. Elle concentre son attention sur ce qu’elle maîtrise : la technique, le timing, la posture.

Morgane n’est pas du genre à rester spectatrice : elle a remporté 24 titres de Championne suisse en plongeon avant de commencer le cliff diving.

Un jour d’été à Polignano a Mare, en Italie, il fait une chaleur étoufante. En bas : les eaux limpides de l’Adriatique. En haut : le calme absolu. Morgane Herculano se tient sur la plateforme qui sort de la falaise tel un tremplin vers le néant. Sur la pointe des pieds, dos à l’eau. Dans quelques instants, elle va se jeter dans le vide, atteindre une vitesse proche de 80 km/h en chute libre et s’enfoncer dans l’eau avec la même force qu’une voiture sans freins dans un mur.

Bien sûr qu’elle a peur. Prétendre le contraire serait mentir. On le voit sur son visage. Les paupières qui battent un bref instant, la bouche pas tout à fait sereine, le corps un peu trop en tension.

Morgane Herculano, 25 ans, est la première Suissesse à participer aux Red Bull Clif Diving World Series. Elle parle ouvertement de ce qui est souvent passé sous silence dans son sport : la peur avant le plongeon. Elle grandit dans une famille tranquille, étrangère au sport de compétition. Morgane est diférente de ses quatre frères et sœurs, depuis toujours : plus bruyante, plus téméraire, on la remarque plus. Ce qui la pousse un jour à se mettre au plongeon ? Elle veut apprendre le salto arrière pour frimer à la piscine devant les garçons. « Je voulais faire un truc que tout le monde trouverait incroyable. »

Elle a 10 ans, apprend vite, s’entraîne dur. Les années qui suivent, elle plonge des milliers de fois des tremplins d’un mètre et trois mètres et des plateformes de cinq, sept et dix mètres. Elle remporte 24 fois le titre de Championne suisse.

C’est en 2017, à l’âge de 17 ans, qu’elle fait ses débuts en clif jumping. Quelques amis de Genève – où elle vit depuis l’enfance – l’emmènent dans la vallée de la Maggia, dans les gorges étroites de Ponte Brolla. Un haut-lieu du clif jumping. « Viens avec nous, lui disent-ils. Juste pour regarder. » Mais Morgane n’est pas du genre à regarder.

Elle se change, grimpe la falaise jusqu’à la plateforme, 19 mètres au-dessus de l’eau. Elle hésite un instant, elle a peur comme jamais. C’est tellement plus haut que tout ce qu’elle connaît. Un autre monde. De là, on ne tombe pas, on fonce dans le vide. La vitesse augmente de manière exponentielle. Et surtout : la technique est radicalement diférente. Jusqu’à dix mètres, on entre dans l’eau la tête la première. Au-delà : avec les pieds. Tout autre choix serait de la folie. Les épaules, les mains, la tête, tout pourrait y passer. Passer du plongeon au clif jumping, c’est apprendre un nouveau sport.

Mais cela, Morgane l’ignore encore. Elle plonge. Fait un peu trop de rotations. N’atterrit pas sur les pieds, mais presque sur le dos. Elle se blesse au coccyx, ne peut plus s’asseoir droite pendant trois mois et a des douleurs en permanence. Elle n’en dit rien à sa famille, bien qu’ils partent ensemble en vacances peu de temps après. « Je ne voulais pas qu’ils s’inquiètent, admet-elle. Il y avait peut-être aussi un peu de ferté là-dedans. Je m’étais mise dans ce pétrin, alors je

« On peut allier courage et sensibilité. Charme et ingéniosité. Sportivité et intellect. »

voulais m’en sortir seule. Je ne voulais pas qu’ils pensent que je ne maîtrisais pas la situation. »

Du tremplin à l’élite universitaire

Mais il faudra attendre longtemps avant qu’elle replonge de cette hauteur. Elle part étudier l’économie à Harvard (ÉtatsUnis). Grâce à un crowdfunding, elle récolte 250 000 francs pour se payer ces prestigieuses études. Elle intègre l’équipe de natation et de plongeon, s’entraîne tous les jours avant les cours, représente l’université lors des compétitions. En 2020, elle remporte le titre de l’Ivy League au plongeoir d’un mètre – l’une des plus hautes distinctions du sport universitaire américain. L’Ivy League regroupe les huit universités les plus traditionnelles et les plus prestigieuses des États-Unis, dont Harvard, Yale, Princeton et Columbia. Élitistes sur le plan académique, elles n’en sont pas moins compétitives sur le plan sportif. Gagner en Ivy League, c’est intégrer l’élite. Dont Morgane fait désormais partie !

Mais il faut se rendre à l’évidence : elle ne peut pas (encore) vivre du plongeon. Il lui faut un job. Elle décroche le meilleur qui soit après l’obtention de son diplôme en 2022 : elle devient assistante de recherche à la Harvard Business School. Sa professeure, Karen Mills, était la directrice de la Small Business Administration, dans le cabinet de Barack Obama.

Morgane Herculano rédige des business cases, c’est-à-dire des études de cas pour les cours, qui sont ensuite discutées en classe à Harvard. Comme sur Wordle, le jeu de mots en ligne mondialement connu, qu’un développeur a d’abord conçu comme cadeau pour sa compagne, avant de le revendre au New York Times pour un montant de plusieurs millions. Morgane se jette à corps perdu dans le travail, sans se douter que ces connaissances lui serviront bientôt. En efet, fn 2022, elle regarde un documentaire sur

Rivales en compétition, amies dans la vie : les selfies avec d’autres

athlètes du Red Bull

Cliff Diving (en haut à gauche : Molly Carlsen, Madeleine Bayon et Simone Leathead) font partie des journées de compétition.

l’histoire du clif jumping en Suisse. Elle est éblouie – et agacée : pas une seule femme n’est mentionnée. Elle est révoltée. Puis se dit : très bien, puisque c’est ainsi, elle sera la première.

La marque Morgane

C’est comme cela que commence cette folle histoire. Avec l’idée de faire changer les choses. De défendre la cause des femmes. D’être un modèle. Sérieusement ou pour le show ? Un peu des deux.

C’est en 2024 que Morgane vit sa première véritable année de compétition en tant que plongeuse de haut vol. Elle est invitée aux Red Bull Clif Diving World Series, se classe onzième à Boston, septième en Irlande du Nord, dixième à Montréal. Elle termine à la onzième place aux championnats du monde et est élue European High Diver of the Year à la fn de l’année.

« Je voulais faire un truc que tout le monde trouverait incroyable ! »

Mais comment faire pour continuer à fnancer tout cela ? D’autant que son contrat à la Harvard Business School prend fn à l’automne 2025. Morgane Herculano le sait : le clif jumping est une passion, mais il n’y a pas grand-monde pour qui c’est un métier. Les prix qui récompensent les victoires en compétition ne sont pas très élevés et il n’y a pas d’aides fnancières. Mais elle a une idée : elle décide de raconter son histoire. Celle de la Suissesse qui vit aux États-Unis. De la diplômée de Harvard qui plonge de falaises de 22 mètres de haut. De la jeune femme indépendante qui s’afrme dans un domaine masculin. Son CV devient son propre business case

Elle se forge un profl solide et authentique sur les réseaux sociaux. Mais toute bonne histoire a besoin d’une trame. Et de mystère : il ne faut pas tout dévoiler. Elle n’expose pas sa famille notamment. Ni ses amies et amis, à quelques exceptions près. Sa vie derrière la caméra lui appartient. Devant la caméra, elle montre ce qu’elle a envie de montrer : détermination, élégance, maîtrise du corps. « Je veux casser les stéréotypes, dit-elle. Mon message, c’est qu’il faut arrêter de vouloir mettre tout le monde dans une case. On peut être tout ce qu’on veut : allier courage et sensibilité. Charme et ingéniosité. Sportivité et intellect. »

Elle gère ses réseaux comme une pro, publie quotidiennement sur plusieurs plateformes, planife, flme, fait ses montages elle-même. C’est un business. Mais elle aime ça. Parce qu’elle ne veut pas simplement cumuler des followers. Elle veut les inspirer.

Plongeon dans une autre vie

Le monde du clif jumping est sauvage, dur et d’une beauté à couper le soufe. Un monde des extrêmes, où la discipline se mêle à la perte de contrôle, l’adrénaline au silence, la maîtrise du corps à la peur primaire. Un monde à mille lieues de la piscine couverte, du chlore, du bassin carrelé et de l’air étoufant. « En clif jumping, on sent le vent dans ses cheveux et le soleil sur sa peau, il y a les embruns, le courant, la falaise », explique Morgane. Les plongeoirs fexibles laissent place à

La maîtrise du corps rencontre la peur ancestrale : dans les hauteurs aériennes, Morgane se prépare à son prochain saut.

des plateformes rigides au-dessus de l’eau écumante. L’efort physique est ardu à décrire. Morgane s’y essaie quand même : « Le clif jumping, c’est tellement difcile que l’on ne peut pas faire plus de cinq plongeons par jour. Au bout d’un moment, le corps n’en peut plus, mis à mal par la force des chocs. Et on ne peut pas non plus enchaîner plus de cinq jours d’aflée. »

Le clif jumping est un sport à part. Mais avec une histoire fascinante : ses origines remontent au XVIIIe siècle, quand les guerriers polynésiens d’Hawaï se jetaient dans la mer depuis les falaises pour prouver leur courage, leur force et leur loyauté. Plus tard, des cascadeurs sillonnaient les foires avec leurs plongeons dans des tonneaux d’eau. Dans les années 1980 et 1990, des têtes brûlées ont commencé à chercher des parois rocheuses de plus en plus hautes – jusqu’à ce que Red Bull en fasse une série de compétitions dans les années 2000. Depuis, l’élite mondiale en la matière voyage de spot en spot : des fjords de Norvège à la vieille ville de Mostar, des Açores aux Philippines, en passant par Beyrouth. Et Morgane Herculano fait partie de cet univers – en tant que plongeuse invitée qui se bat pour obtenir un droit de participation permanent.

Le droit d’avoir peur

Dans les sports extrêmes, il existe une loi tacite : respect, oui ; peur, non. C’est quelque chose que l’on entend souvent. « La hauteur, je la respecte. » Ce que l’on n’entend presque jamais en revanche, c’est : « La hauteur me fait peur. » Pourquoi ? Parce que l’on associe « peur » à « échec » ? Pourtant, elle est toujours là, cette peur, surtout à 22 mètres au-dessus de l’eau. Ou à 28 mètres, pour les hommes.

Les mentalités commencent à évoluer dans l’univers du clif jumping à Polignano a Mare (Italie). Ce sont surtout les femmes qui en parlent. Elles ne font aucun secret du fait qu’elles ont peur. Avant chaque plongeon. Parce qu’elles savent que la peur n’est pas une faiblesse. C’est un outil, une boussole, un système d’alerte. Parfois une assurance vie.

« Je ne veux pas me débarrasser de la peur. Je veux apprendre à vivre avec. »

« La peur nous protège » : tels sont les mots de la Canadienne Molly Carlson, l’une des meilleures et des plus célèbres plongeuses de haut vol au monde, avec sept millions d’abonnés sur Instagram. Morgane, dit-elle, apporte de la joie dans le groupe. Mais aussi un certain sérieux. « Elle sait à quel point ce que nous faisons est dangereux, développe Carlson. En parler avec elle, c’est très libérateur. » Pour Molly Carlson, la peur doit avoir sa place. « Si j’essaie de la repousser, elle me prend toute mon attention. Alors je me bats contre elle et je perds ma concentration. »

Un jour, elle a été trop intrépide. Elle venait de réussir un plongeon de classe internationale, le Front Quad Half Pike. Se sentant invincible, elle ne s’est pas concentrée sur son plongeon lors de son deuxième essai, elle ne pensait qu’à une chose : faire une bonne vidéo pour Instagram. « J’étais distraite, se souvient-elle, et j’ai fait un plat. »

»

Avant chaque saut, Morgane Herculano se recentre. « Je me suis entraînée. Je peux le faire.

FACE À LA PEUR

Avant chaque plongeon, elle passe par cinq étapes pour réussir à contrôler sa peur.

1. ACCEPTATION

« J’ai peur – et c’est normal. » C’est une émotion réelle. Cela ne sert à rien de prétendre le contraire.

2. ANCRAGE

Morgane se parle à voix haute : « Je m’appelle Morgane. J’ai 25 ans. Je suis prête. Je me suis entraînée. J’en suis capable ». C’est une introspection, elle se confirme à ellemême qu’elle mérite d’être là.

3. VISUALI SATION

Elle se repasse le plongeon dans sa tête. De l’impulsion jusqu’à l’immersion. Elle voit ses bras qui bougent, son corps qui tourne, ses jambes qui se tendent. Chacun des plongeons qu’elle réalise, elle le répète des dizaines de fois dans sa tête auparavant.

4. FOCUS

Morgane fait abstraction de tout ce qu’elle ne peut pas contrôler : le vent, les vagues, le bruit du public. Et elle concentre toute son attention sur ce qu’elle maîtrise : sa technique, son timing, sa posture.

5. PRÉSENCE

Juste avant de s’élancer, elle respire profondément et revient au moment présent. Elle s’efforce de ne pas penser au plongeon de la semaine dernière, ni au prochain. Seulement à celui-là. Et puis, elle plonge. Pas sans peur. Mais pas contre la peur non plus.

La tension corporelle, la concentration et la précision sont des éléments essentiels pour les sauts de plus de 20 mètres de haut.

« Le saut est terminé, tu refais surface, et tu as l’impression d’être sur une autre planète. »

Elle a eu de la chance et s’en est tirée avec une commotion cérébrale. Mais le sentiment qu’elle a éprouvé ensuite, elle ne l’oubliera jamais. « C’est la seule fois où je n’ai pas eu peur, dit-elle. Et c’est bien ce qui a posé problème. »

À Polignano a Mare, elle est concentrée à chacun de ses plongeons et pourtant : elle évalue mal la distance qui la sépare du bord de la plate-forme, se trompe de quelques centimètres, glisse – et chute dans le vide. Le public retient son soufe. Les autres plongeuses sont pétrifées. Mais Carlson retrouve ses repères dans l’air, atterrit les pieds en premier et par miracle, s’en sort presque indemne. Un véritable rappel à l’ordre pour quiconque aurait oublié de quoi il est question ici.

Morgane est encore nouvelle, mais elle aussi s’est habituée à ce que la peur ne la quitte jamais. Parfois, ce n’est qu’un murmure, d’autres fois, c’est un cri. Elle peut picoter ou paralyser, mais elle ne disparaît jamais complètement. « Je ne veux pas m’en débarrasser, dit Morgane. Je veux m’entendre avec elle. » Il y a mille et une façons de gérer sa peur. Cela peut passer par le silence, le repli sur soi, l’isolement. Morgane, c’est tout le contraire : quand elle a peur, cela s’entend. Presque trop. Elle parle beaucoup, parfois de manière agressive, lance des phrases toutes faites à la ronde – comme si elle voulait se rappeler qu’elle est là, qu’elle est vivante. « Je suis légèrement insupportable dans ces moments-là », dit-elle en riant.

La meilleure sensation au monde

Deux secondes. C’est le temps dont Morgane Herculano dispose pour réaliser trois saltos et une vrille et demie. Elle voit la surface de l’eau pour la dernière fois une demi-seconde avant l’impact. Elle vole ensuite à l’aveugle en direction de l’eau – à près de 80 km/h.

Le dernier moment est crucial. Depuis la plateforme de dix mètres, on peut encore se permettre un angle de 45 degrés par rapport à la verticale lors de l’immersion. Depuis la falaise, une petite erreur et c’est le plat. Soit on tourne trop long-

temps et on atterrit sur le dos. Soit pas assez et on atterrit sur le ventre. On risque alors des contusions, des lésions internes et, dans le pire des cas, une perte de connaissance.

Un plongeon plus court qu’une pensée. Et aussi impitoyable qu’un accident de voiture en cas d’erreur.

Mais quand tout se passe bien, quand le corps est bien aligné, quand la technique, le courage et le timing s’unissent pour créer un moment parfait – alors, nous dit Morgane Herculano, c’est « comme un orgasme ».

Et elle est très sérieuse : « Là-haut, on est en plein stress, on a le trouillomètre à zéro – et puis, tout d’un coup, c’est fait. Le plongeon est terminé, on refait surface et on a l’impression d’être sur une autre planète. »

Deux secondes. Le bonheur se résume à cela.

Mais pour en arriver là, il faut la moitié d’une vie.

Le public est euphorique, le soulagement après le saut est palpable : des images des Red

Instagram : @morgane.hrc ; le prochain événement Red Bull Cliff Diving World Series aura lieu le 20 septembre à Boston, dans le Massachusetts, et sera diffusé sur Red Bull TV. Toutes les infos ici :

Bull Cliff Diving World Series, à Polignano a Mare.

Sam, alias Elquaria, est l’une des streameuses Twitch les plus inspirantes de sa génération. Sur sa chaîne, la Suissesse joue, chille et discute comme une copine avec ses 83 000 followers. Mais sa plus grande victoire remonte à bien plus longtemps.

La libert d’ tre SOI

Texte Pauline Krätzig
Photos Romina Amato

GAMING

Que ce soit sous le nom d’Elquaria sur les plateformes de streaming ou de Sam, IRL, elle reste elle-même.

Zoom sur un village de campagne suisse. On longe un enclos, passe devant des chevaux, une vache et un bouc en plastique. En fond, on entend les oiseaux, les tondeuses à gazon et l’agitation des écuries. La dernière maison, juste avant les champs, la forêt et les étendues sauvages, est celle de Sam – l’une des streameuses Twitch les plus

inspirantes de la Next Gen. Rencontre.

Chapitre 1 COMMENT TOUT

A COMMENC

D’un petit village à l’immensité de l’univers du streaming : Sam s’est bâti une communauté fidèle grâce à son style authentique.

« J’ai démarré très tôt à jouer aux jeux vidéo », raconte Sam. Ses parents viennent d’Iran. Née à Bâle, la jeune femme de 26 ans a été élevée « comme un garçon », dit-elle. Après sa première flle, son père voulait un fls. « Et puis, je suis arrivée ! Je ne vais pas me plaindre. À 5 ou 6 ans, il m’a ofert une PlayStation et m’a ainsi ouvert les portes du monde du gaming. » Difcile aujourd’hui de s’imaginer Sam en petit garçon, mais on comprend mieux pourquoi les mondes parallèles des jeux vidéo l’ont tant attirée à l’époque. Quelle manière plus fantastique de s’évader que le gaming ? Surtout avec des réalités fctives à fort impact visuel. « J’adore les jeux narratifs et la dark fantasy : The Witcher, Assassin’s Creed, Skyrim… Ce sont vraiment des univers dans lesquels on peut se plonger. » Et les personnages peuvent évoluer en toute liberté. Sam est élevée de manière stricte et conservatrice. Dans sa culture, les femmes sont souvent tenues à l’écart. « On me disait : “Non, Sam, ça ne se fait pas, non, Sam, tu ne peux pas faire ça.” » Beaucoup d’interdits pour une enfant qui n’aspire qu’à s’épanouir. « J’ai toujours voulu faire quelque chose de créatif, mais mon père me disait : “Ce n’est pas avec l’art que l’on gagne sa vie”. » Sam suit donc une formation de prothésiste dentaire. Et dépérit lentement.

Chapitre 2 la Vision

« J’avais un revenu régulier, j’habitais chez mes parents, j’étais amoureuse... Tout était parfait. Mais ce n’était pas mon monde. Tout me semblait tellement monotone et sans amour. Je n’avais pas envie de vivre selon les idées de mes parents ni les valeurs de ma culture. Je voulais laisser libre cours à mes envies. » Il faut faire preuve d’un certain courage pour s’écarter des schémas normatifs. Soit on fait ce que le système attend de nous, soit on saute la clôture la plus proche et on va s’allonger au milieu des feurs dans la prairie. « Ce qui m’a toujours fait le plus peur, c’était d’être obligée de faire quelque chose qui ne me rendrait pas heureuse. »

Son quotidien, trop étriqué à son goût, Sam y échappe grâce au plus célèbre YouTuber d’Allemagne : « Gronkh m’a sauvée. » Au travail, Sam écoute en cachette les Let’s Play de Gronkh – « tous, même ceux de douze heures » –, AirPods dissimulés sous sa longue chevelure. En 2019, Sam commence elle aussi à streamer ses sessions de jeu sous le nom d’Elquaria et à partager sa passion avec d’autres. Le gaming reste un hobby : elle allume son PC pour se détendre en fn de journée. Et puis, c’est le Covid et le hobby se transforme très vite en un véritable business.

Chapitre 3

L’ASCENSION

La pandémie a fait sortir de nombreuses personnes de leur routine. « Pour moi, ça a été radical, tout est arrivé en même temps : plus de travail, plus de voiture, ma sœur est partie aux États-Unis, je me suis séparée, je me suis engueulée avec mon père et j’ai déménagé. » Sam a un côté bagarreur. D’où elle le tient, elle ne le sait pas exactement. « Je suis fan de Tina Turner depuis toute petite. » La reine du rock’n’roll, l’incarnation de la femme forte, icône de l’émancipation. Sam paraît plutôt calme, discrète, efacée. Elle incarne à merveille la fameuse eau qui dort. Face aux crises, il faut beaucoup de force pour ne pas se laisser abattre et pour les considérer comme un nouveau départ. « Au début de la vingtaine, j’étais libre pour la première fois de ma vie. Je pouvais faire tout ce dont j’avais envie. » Et la première envie de Sam, c’est de forcer sur le streaming en attendant de trouver un nouveau travail. Elle peaufne son set-up et ses connaissances techniques, se plante de temps à autre : « Mon premier PC, on me l’avait recommandé, mais pour jouer, c’était de la merde. » Indépendante pour la première fois de sa vie, elle se dit : « J’ai ma propre volonté. Je pourrais ouvrir le frigo et m’écraser un œuf sur la tête si je voulais. Qui irait m’en empêcher ? » La vraie question étant plutôt : serait-il possible de l’en empêcher ? Dans le milieu très fermé du streaming, où les hommes mènent le jeu, une jeune gameuse du nom d’Elquaria fait soudain sensation. Ce qui la diférencie des milliers et des milliers de nouveaux et nouvelles inscrit·e·s qui veulent devenir viraux sur Twitch ? Un timing parfait. Quand elle se lance à plein temps en 2021, la plateforme propose de nouvelles fonctionnalités de monétisation avec des restrictions moindres pour les nouvelles personnes arrivées, et de nouveaux formats de contenu.

Bientôt, Sam parvient à vivre de ses revenus – car sa communauté se développe à un rythme efréné : elle compte actuellement plus de 82 000 followers. Elquaria incarne la nouvelle génération du streaming. Avec son caractère naturel, ouvert et détendu, elle ofre précisément ce que de nombreuses personnes, surtout chez les jeunes, cherchent de plus en plus : de la proximité, de l’authenticité, des échanges.

Chapitre 4 Une soci t virtuelle

« Beaucoup de gens sont en quête de distractions et de compagnie. Comme moi avec Gronkh à l’époque. Au fond, ce qu’il fait, c’est jouer et discuter tranquillement avec sa communauté. Mais cela m’a énormément apporté. Moi aussi, j’ai eu envie de toucher et d’émouvoir des tas de gens », dit Sam. Contrairement à Gronkh, elle ne se tourne par vers YouTube, mais vers Twitch. « Twitch, c’est bien plus direct. On est tout de suite en contact avec les gens. » Et c’est bien pour cela, d’ailleurs, que ce portail vidéo est devenu l’une des plateformes de live streaming les plus importantes et les plus populaires au monde. Aux côtés des Let’s Play, Just Chatting (voir le glossaire) est le contenu qui rencontre le plus de succès.

Twitch s’adresse majoritairement aux jeunes entre 14 et 29 ans, la Gen Z, dont on dit qu’elle est plus connectée que jamais, mais paradoxalement qu’elle soufre de solitude. « Je suis très douée dans l’art d’être seule sans me sentir isolée. Je suis introvertie. Donc je comprends d’autant plus pourquoi Twitch est si apprécié. » Sam vit à la campagne, au deuxième étage, avec pour voisines une dame de 70 ans dont les petits-enfants connaissent Elquaria, et une famille dont les enfants sont encore trop jeunes pour jouer aux jeux vidéo. « J’aime bien ce coin, c’est tranquille, il n’y a pas trop d’agitation et quand on sort, on ne croise personne. Non pas que je sois célèbre, mais je n’aime pas trop le contact en général. » Les personnes introverties tirent leur énergie du calme et de la solitude. « Quand je rentre d’un événement, je suis vraiment vidée et je dois recharger ma batterie sociale. » Twitch est donc une opportunité de créer des liens et d’échanger. La chaîne d’Elquaria fait parfaitement honneur à cette discipline reine des réseaux sociaux.

« Twitch, c’est bien plus direct. On est tout de suite en contact avec les gens. »
Sam au Musée des Transports de Lucerne, en route pour le tournoi Fortnite Red Bull Rift Rulers.

Les conseils d’Elquaria pour d buter sur Twitch

1

Trouver sa niche

Dans le gaming, le divertissement ou pour sa communauté, l’essentiel est de choisir sa voie – et de rester fidèle à soi-même.

2

Streamer intelligemment

Le but n’étant pas de jouer douze heures d’affilée, comme je le faisais à mes débuts. Mais plutôt de tirer le meilleur parti de son contenu. Mieux vaut passer trois heures en live et poster des vidéos, des clips, des shorts, des reels et des stories sur son stream.

« Travailler sans se tuer à la tâche. »

3

Ne pas se limiter

Surtout ne pas se rendre dépendant d’une plateforme. En étant présent sur plusieurs réseaux sociaux (TikTok, YouTube, Insta, etc.), on reste visible, même si on écope d’un ban de Twitch pour avoir montré trop de peau. Aussi, penser à multiplier les partenariats.

4

Bien choisir son créneau

Pourquoi sombrer dans la masse aux heures de forte audience ? Moins de concurrence, c’est plus de visibilité.

5 Être soi-même

« Je suis très douée pour être seule sans me sentir isolée. »

Sam a trouvé l’équilibre : il lui faut des moments de calme pour pouvoir continuer à faire vibrer sa communauté.

Chapitre 5

La compagne de soir e

De plus en plus de nouveaux et nouvelles venu·e·s sur Twitch occupent des niches à côté des grandes chaînes de streamers et streameuses, proposant des jeux indépendants, des infos geek, du contenu thématique. La chaîne de Sam est une safe place pour sa communauté. Un mix de contenus fait de sessions de Let’s Play, de streams de Just Chatting et de formats plus courts. « Je me défnirais comme une streameuse généraliste. Je fais un peu de tout. Ce soir, j’ai prévu un e-date, demain un quiz... » Le prénom complet de Sam matche parfaitement avec son programme : Samira, d’origine arabe, signife « compagne de soirée » ou « interlocutrice nocturne ». « Quand je streame, je parle sans arrêt. Et j’aime bien être en live la nuit, de 22 heures jusqu’à l’aube. Je ne conseillerais cela à personne, mais moi, j’ai toujours été super active la nuit, je trouve ça beaucoup plus agréable. Il n’y a rien pour venir nous déranger, rien qui se passe, le portable, les messages, le monde entier est silencieux. Et il y a beaucoup de gens qui ne dorment pas la nuit, soit parce qu’ils travaillent, soit parce qu’ils n’arrivent pas à trouver le sommeil. »

Pas étonnant que Sam soit souvent fatiguée en journée. Ses abonné·e·s ne sont pas un public passif. Grâce au chat, iels peuvent prendre la parole en temps réel à tout moment – et lier de nouvelles amitié. Tout comme les autres créateurs et créatrices de contenu qui ont un lien fort avec leur communauté, Sam est parvenue à faire le lien entre monde numérique et monde réel. « Quand des gens discutent sur le chat, puis continuent de s’écrire sur Discord et fnissent par se rencontrer dans la vraie vie, cela me fait super plaisir. » C’est exactement comme ça que Sam a rencontré sa meilleure amie, Rose, qui est aussi streameuse sur Twitch (Rosemondy).

Chapitre 6

SE TROUVER ET NE PAS SE PERDRE

« Je dis toujours : les pieds sur terre, les yeux vers le ciel. Et il y a encore de la marge. »

Ouvrons sans scrupules le tiroir à clichés : on s’imagine souvent les gameurs et gameuses comme des personnes avec un TDAH, des TOC, associal·e·s, qui s’excitent contre leur ordi, enfermées dans une pièce sombre dont le sol est jonché de vaisselle sale. Pour jouer, Sam s’installe dans une chaise de gaming blanche, entre une reproduction de La naissance de Vénus de Sandro Botticelli, une peluche japonaise Shiba Inu, diverses fgurines de Geralt (de The Witcher) et des coussins avec des photos de ses chihuahuas décédés. Chaque pièce de son appartement est aménagée dans un style minimaliste, clean, confortable, dans des teintes neutres de blanc, de beige et de crème. Partout, des bougies et parfums d’ambiance – vanille, agrumes, lotus. C’est lumineux, simple, bien rangé. Un miroir de l’âme de cette jeune femme, assise en tailleur dans le canapé de son salon. Sam est détendue, en paix avec elle-même.

Historique : Sam est la première gameuse Red Bull de Suisse.

mini-glossaire de Twitch

Just Chatting

La catégorie la plus populaire sur Twitch : pour discuter. Ça parle nouveaux jeux, potins de stars ou vidéos virales.

Subathon

Un stream marathon prolongé à chaque nouvel abonnement, parfois sur plusieurs jours. Comme le premier de Sam : « J’ai streamé pendant 35 jours d’affilée et j’étais en live 12 à 15 heures par jour. »

Raid

Avec les raids, un ou une content creator peut rediriger ses spectateurs et spectatrices vers une autre chaîne après un stream – en guise de soutien ou de surprise.

IRL (In Real Life)

Des streams qui montrent la vraie vie – de la cuisine au sport, en passant par une virée en ville.

Subs (Subscriptions)

Abonnements grâce auxquels les spectateurs et spectatrices soutiennent directement leurs streamer·euse·s préféré·e·s – avec des goodies et des emotes.

Emotes

Images ou icônes personnelles que les streamer·euse·s mettent à la disposition de leurs followers. Ça renforce les liens avec la communauté.

Partenaire

Le statut officiel pour les streamer·euse·s de grande audience (plus de fonctions et une meilleure monétisation).

AutoMod

L’outil de modération de Twitch : filtre automatiquement les discours agressifs, le harcèlement et les contenus sexuellement explicites.

Pendant qu’elle parle, la BO de The Witcher 3 tourne en sourdine sur son grand écran. « J’ai besoin d’un bruit de fond, sinon je pense trop. » Pas étonnant. Sam est très dans l’introspection. « Il faut se poser les bonnes questions avant que les autres ne le fassent. Je le fais tout le temps. Je crois que c’est parce que je suis indépendante et souvent seule que j’ai besoin de me confronter à moi-même. Je m’aide aussi pas mal de ChatGPT pour ça. Je lui demande ce qui serait important pour le développement de ma personnalité ? Et j’en ressors avec d’autres questions, du genre : qui suis-je quand personne ne me regarde ? Ou : quelle partie de moi je ne montre pas aux autres ? » Elle y répond dans la foulée : « Je crois que je suis toujours la même. Même quand je streame. Je parle beaucoup, y compris de choses personnelles, mais pas trop privées. On n’a pas besoin de se mettre complètement à nu en ligne. Surtout que sur Twitch, on se prend un ban si on se pointe sans fringues. »

PILOGue

Le jeu n’est PAS termin

« J’entends souvent des trucs du genre : “Les flles ne savent pas jouer aux jeux vidéo”, ou l’autre jour, il y en a un qui m’a écrit : “Si tous ces gens te regardent, c’est juste parce que t’es jolie.” Avant, ça me blessait vraiment. Je laissais la petite Sam être touchée par tout ça. Mais je suis devenue beaucoup plus forte mentalement. Aujourd’hui, tout ce que je retiens, c’est qu’il dit que je suis jolie. Souvent, quand les gens sont méchants, c’est parce qu’ils ne sont pas heureux dans leur vie. Et puis, les messages des haters, c’est souvent des préjugés, rien de plus. C’est rarement une véritable critique de ma personne. Un mec se pointe et m’insulte – alors que je n’ai jamais eu afaire à lui auparavant. Pourquoi est-ce que je le prendrais personnellement ? » On referme le tiroir à clichés.

Sam fait partie des artistes émergents de la scène des créateurs et créatrices de contenu. En 2024, elle a été nommée Streameuse of the Year Top 3 aux EarlyGame Awards. Sam en veut plus. « Je dis toujours : les pieds sur terre, les yeux vers le ciel. Et il y a encore de la marge. » Elle a toute une liste de rêves dans l’appli Notes de son smartphone. « Comme ça, j’ai mes objectifs avec moi et sous les yeux. Ça me motive. » L’un d’eux, en plus de « lancer un podcast » et « devenir comédienne de doublage pour un jeu vidéo », c’est « devenir la plus grande streameuse de Suisse et faire partie du top 5 en Allemagne ». Et elle ne le dit pas avec hargne. Et même si Sam joue encore souvent la nuit, dans une niche, à des jeux qui ne sont plus demandés, on ne doute pas qu’elle en soit capable. Elle non plus : « C’est quand tu sais ce qui te rend heureux ou ce que tu ne veux pas que tu découvres tes objectifs. J’ai confance en moi. »

Instagram & Twitch : @elquaria

POLE POSITION

Avec autant d’adrénaline dans le sang que dans le film F1, Brad Pitt n’a jamais été aussi speed.

Peut-être profte-t-il d’un séjour au calme avec sa compagne, glisse-t-il sur un voilier quelque part, ou se promène-t-il main dans la main avec elle au frais dans un musée d’architecture climatisé : quoi qu’il en soit, repos bien mérité, après le triomphe de son flm, F1, dédié à… la Formule 1 ! Les conférences de presse, la promotion, puis l’avant-première sur la place Leicester Square à Londres où Tom Cruise –qui avait tourné avec Brad il y a plus de trente ans dans Entretien avec un vampire – a fait une apparition surprise. Oui, Brad peut se détendre cet été. En à peine deux semaines, le flm a engrangé 293 millions de dollars dans le monde, devenant le plus gros succès du producteur Apple au box-ofce. En octobre, le géant du streaming devrait lancer le flm sur sa plateforme.

Dans ce flm d’action réalisé par Joseph Kosinski, la star américaine fonce littéralement sur les circuits du monde entier. Il y incarne un pilote vieillissant, déterminé à revenir dans la course face aux jeunes talentueux, à ses peurs, au temps qui passe.

Un peu cabossé, mais bien conservé et sur la bonne voie : Brad Pitt, 61 ans, dans le film F1

Mais ce n’est pas seulement un flm sur la vitesse. C’est aussi l’histoire d’une passion, taillée sur mesure pour l’acteur. Pour être à la hauteur de son rôle dans Fight Club, il avait pris des cours de boxe ; pour Troie, il s’est attelé à des mois d’entraînement à l’épée ; pour Snatch, il marmonnait si vite qu’on a dû le sous-titrer. Le voici désormais en course… Et quelle course !

Brad Pitt a suivi trois mois d’entraînement – en Formule 3, puis en Formule 2 – avant de conduire lui-même une monoplace de Formule 2, pouvant aller jusqu’à 250 km/h, et spécialement arrangée par Mercedes pour les besoins du flm. Le septuple champion du monde Lewis Hamilton, qui l’a vu une fois conduire sur le circuit, en a été « plus que blufé », selon les dires du producteur Jerry Bruckheimer. L’acteur manœuvrait son bolide « avec classe » et avait « la conduite dans la peau ».

Le tournage s’est déroulé en plein cœur du vrai monde de la Formule 1 : sur les circuits de Silverstone, de Monza, de Spa, de Zandvoort – lors des week-ends de course ofciels. Tandis que les équipes de Red Bull, Ferrari et consorts engrangeaient les points, l’acteur et son équipe proftaient des pauses sur la piste pour flmer. Jospeh Kosinski et Brad Pitt avaient même fait le chemin jusqu’aux bureaux de

la direction pour les convaincre de leur projet. Car jamais auparavant, la direction n’avait accordé sa confance à ce point à une star de cinéma, en la laissant fouler ses circuits F1 de légende. « Je n’étais pas du tout nerveux, a déclaré l’acteur lors de la conférence de presse du flm F1 à Mexico. J’étais prêt, on ne peut plus sérieux. J’ai savouré la conduite dans les lignes droites. » Ça crève l’écran ! Le cinéaste, à qui l’on doit aussi Top Gun : Maverick sans CGI (images de synthèse), a installé douze caméras dans le cockpit. Chaque micro-expression, chaque réaction oculaire : tout est capté. Lewis Hamilton, engagé comme consultant sur le tournage, a veillé à ce que tout soit le plus authentique possible. Pour le tournage, l’APXGP, une onzième écurie fctive, a été créée, avec garage et accès aux circuits pendant vingt minutes chrono lors des week-ends de course.

Affronter ses démons

Ce qui a séduit la superstar, c’est la dimension très réaliste du flm, au plus près de la vie des pilotes et des circuits. « Être dans la voiture, sentir la force G, c’est incomparable, ça ne ressemble à rien de tout ce que j’ai vécu en des décennies de métier. » L’histoire de l’outsider qui se relève dans l’adversité l’a profondément touché. « Chacun a son histoire, sa quête », explique Brad Pitt à l’endroit de son personnage. Voilà un homme bien établi.

Pourtant, il n’a jamais été casse-cou dans l’âme. Plus jeune, il était assez timide, il a même failli devenir journaliste. Lors des interviews pour Sept ans au Tibet, Jean-Jacques Annaud, le réalisateur, devait rester à ses côtés. Avec la glamoureuse série Ocean’s, il se décontracte. Viennent ensuite les rôles épiques : L’Étrange Histoire de Benjamin Button, The Tree of Life… Puis Once Upon a Time in Hollywood, et un Oscar (meilleur acteur dans un second rôle).

La version empreinte de maturité de Brad Pitt fascine. C’est un homme qui connaît l’échec et afronte ses démons. Après sa séparation avec Angelina Jolie, il a évoqué ses problèmes d’alcool. « Je devais vraiment me réveiller », a-t-il confé dans le podcast de Dax Shepard. Depuis, il mène une vie plus posée. Mais pas monotone. Il sait exactement quelles histoires le passionnent, celles qu’il a envie de raconter.

F1 fait partie de celles-ci. Un flm né au bout de deux ans de réunions autour de la force G, de la température des pneus, de l’aérodynamisme, de l’odeur du caoutchouc brûlé. « J’étais un touriste dans cet écosystème, révèle-t-il, ému, à Mexico. Je ne l’oublierai jamais. » Lorsqu’il parle, on retrouve par bribes cet éclat qui l’a rendu iconique dans Thelma & Louise, en 1991. À cela s’ajoute désormais la chaleur humaine, le respect, et l’humilité. Brad Pitt apporte aux clichés virils du sport, ces hommes et leurs machines, une nouvelle dimension : l’élégance.

En haut : avec Max Verstappen (à gauche) et Damson Idris. En bas : quand Lewis Hamilton (à gauche) a vu Brad Pitt sur le circuit, il n’en croyait pas ses yeux.

« SENTIR LA FORCE G

DANS LA VOITURE, C’ÉTAIT INCROYABLE. »

Dans sa combinaison de pilote immaculée, il incarne sans aucun doute l’ambassadeur vrombissant le plus charismatique de la course automobile (qui n’est pas sans rappeler un certain Steve McQueen dans Le Mans, en 1971). Ce n’est pas un hasard : dès 2013, la star avait voulu produire un flm de course. Go Like Hell, sur la rivalité entre les écuries Ford et Ferrari, mais qui n’a jamais vu le jour – Christian Bale et Matt Damon reprendront le projet ultérieurement. Aujourd’hui, à 60 ans passés, Brad Pitt réalise un rêve. Avec sa boîte de production Plan B, il tient le volant dans les coulisses aussi. Se consacrer corps et âme au projet ? C’est normal pour lui : il ne fait jamais les choses à moitié. Pour Sept ans au Tibet, il s’est exposé à un interdit d’entrée défnitif sur le territoire chinois. Quand il veut un domaine viticole, il choisit

Le fait que la F1 ait laissé une star tourner sur ses circuits de légende était une première.

le plus prestigieux de la Côte d’Azur. Quand il tourne un flm sur la F1, il lui faut ce qu’il y a de plus rapide, de plus authentique, avec du vrai caoutchouc, des bains de glace réels, et mille chevaux sous le capot.

Tout cela fait de F1 un trip visuel, une chevauchée fulgurante collant à la réalité. Mais aussi un portrait de son protagoniste : Brad Pitt incarne Sonny Hayes, un homme expérimenté, un des meilleurs, un être discret, qui s’active en coulisses au lieu d’être au centre de l’attention, un spécimen de collection, un peu cabossé mais bien conservé qui, la main assurée sur le volant, roule droit devant. Un pro serein, qui n’a plus besoin de gagner pour savoir qui il est ni ce qu’il peut accomplir.

À l’écart des feux de la rampe, Brad Pitt vit une relation feutrée avec sa nouvelle compagne, Ines de Ramon, et ouvre par la même occasion un nouveau chapitre de sa vie avec un flm qui lui ressemble : la constance dans le dépassement de soi, et la capacité à sublimer l’échec.

HOCKEY SUR GLACE

Ne rate aucun match de ton club préféré !

Voici le calendrier officiel 2025/26 de la National League suisse à coller sur ton frigo.

PRÊT POUR LE POWERPLAY ?

RED BULL DONNE DES AIIILES.

À la salle de sport A’Lab à Zurich, Alexis Bernier coache
Jannis Reichmuth pour sa première session Hyrox.

LA NOUVELLE VAGUE FITNESS

Il attire autant les sportifs et sportives d’endurance que les adeptes de muscu : l’Hyrox est aujourd’hui la compétition de fitness à la croissance la plus rapide. Pour nous, un débutant et un pro racontent.

Texte Emil Bischofberger
Photos Muriel Florence Rieben

Aucune autre compétition de fitness ne connaît un essor aussi fulgurant que l’Hyrox (mot-valise composé de « hybrid » et « rockstar »). Le concept est né en Allemagne en 2017 et la même année, la première compétition organisée à Hambourg réunissait 650 personnes. En 2025, elles seront 650 000 réparties dans quatrevingt compétitions à travers la planète. Cette popularité s’explique par son côté hybride : un format qui s’adresse aux adeptes d’endurance comme aux mordus de force athlétique, une heure de compétition, et un déroulement standardisé qui en facilite l’organisation : une grande halle et c’est parti !

Alexis Bernier, entraîneur, et Jannis Reichmuth, créateur de contenu, au Sledpull.

Jannis Reichmuth a un objectif : réaliser un Sub60, c’est-àdire relever le défi Hyrox en moins de 60 minutes.

TÊTE DE LISTE

Jannis Reichmuth n’est pas du genre à reculer devant les défis. C’est pour cela que l’Hyrox fait figure de priorité sur sa liste.

the red bulletin : Qu’est-ce qui t’a incité à ajouter l’Hyrox à la liste de tes objectifs sportifs ?

jannis reichmuth : Je suivais la tendance sur les réseaux sociaux et j’ai tout de suite été emballé par le combo force et endurance. Avant, je faisais du hockey sur glace et l’été, je me préparais à la saison avec du Crossft. Du coup, j’avais déjà un certain bagage dans ce domaine. Quand je me suis entraîné pour l’Ironman, j’ai un peu mis la partie muscu de côté et j’ai remarqué que ça me manquait. L’Hyrox combine exactement ce que j’aime, et c’est pour cela que j’ai voulu m’y mettre.

Concrètement, qu’est-ce qui te séduit dans le déf Hyrox ?

L’Hyrox requiert à la fois de la force et de l’endurance et je crois que c’est ça qui m’a vraiment attiré, sans parler de la super ambiance qui règne dans les salles de ftness, cette énergie collective : quand on s’entraîne tout seul plusieurs mois d’aflé, on est content de retrouver ces encouragements et cette énergie contagieuse.

Quels enseignements as-tu tirés de l’introduction de l’Hyrox dans l’A’Lab (salle de ftness basée à Zurich, ndlr) ?

Pour l’Hyrox, tu as intérêt à être au top de ta forme. Quand on connaît ses points forts et ses points faibles et qu’on les exploite de manière ciblée, ça représente un gain de temps énorme. Parfois, il vaut

mieux mettre un coup de frein sur une certaine station avant de tout donner sur la prochaine. L’Hyrox, représente au total une heure d’efort, donc le rythme est déterminant. Tu fnis par développer un certain feeling sur l’intensité avec laquelle tu peux exécuter chaque exercice sans te griller complètement.

Dans quel exercice devras-tu investir le plus ?

Je pense aux Wall Balls et aux Walking Lunges. Ils vont être super durs parce qu’ils sollicitent énormément les jambes, et les miennes ne sont pas habituées à fournir un tel efort et à repartir aussitôt au pas de course. La difculté, ce ne sont pas les exercices en eux-mêmes, mais le fait de les enchaîner en une heure.

À qui conseillerais-tu l’Hyrox ? À tous ceux qui ont un trop plein d’énergie. Au risque de me répéter, l’Hyrox est un sport ovni, où tu te vides complètement niveau endurance, et peut-être un peu moins au niveau muscu, mais comme tu combines les deux, tu es vraiment obligé de repousser tes limites.

Le 2 novembre, tu participeras au marathon de New York. Tu penses enchaîner avec ton programme Hyrox ? Idéalement, je pense intégrer dès maintenant au moins une session Hyrox par semaine dans mon entraînement pour m’y consacrer à 100 % dès le mois de décembre afn de participer à ma première compétition au bout de trois mois.

T’es-tu déjà fxé un objectif pour cette première ?

Oui, un Sub60, autrement dit fnir la compétition en moins de 60 minutes.

C’est très ambitieux !

Mon projet Ironman m’a montré qu’avec du travail acharné et un peu de volonté, tout est possible. Parfois, il faut aussi être un peu fou pour atteindre un objectif vraiment élevé. Je préfère ça plutôt que de me fxer un objectif réaliste. Ça me motive à m’entraîner encore plus dur.

À propos de Jannis Reichmuth

Originaire du canton de Schwytz, ce créateur de contenu est devenu célèbre pour ses défis sportifs. Cet été, il a bouclé son premier triathlon Ironman à Hambourg en 9 heures et 46minutes, soit bien en dessous de la barre mythique des dix heures. Durant le second semestre, tout tourne autour de la course à pied pour le jeune homme de 24 ans : à Berlin, il tentera pour la première fois un marathon en moins de 2 heures et 55 minutes avant de participer à un relais traversant l’Allemagne du nord au sud. Son année de course s’achèvera enfin par un autre marathon légendaire : celui de New York City.

« J’aime l’ambiance du défi Hyrox, cette énergie collective où tout le monde s’en-
Station n°6, Farmer’s Carry : ici, les hommes portent deux kettlebells de 24 kg chacune.

La dernière station, les Wall Balls, est la plus exigeante, tant mentalement que physiquement.

À la deuxième station Hyrox, le Sledpush, tout est une question de bonne prise.

LE BON FILON

Alexis Bernier compte parmi les pionniers de l’Hyrox en Suisse. Le nombre d’inscriptions dans sa salle de sport

A’Lab confirme sa vision.

the red bulletin : Pourquoi t’es-tu intéressé à l’Hyrox ?

alexis bernier : Quand j’ai ouvert A’Lab en mars 2024, je ne savais pas du tout ce que c’était ! Mon idée, c’était d’ouvrir une salle de sport hybride avec diférents concepts d’entraînement. Et puis, tout s’est enchaîné très vite : j’ai entendu parler d’Hyrox et j’ai adoré le concept. En juin, j’ai souscrit une licence studio pour pouvoir proposer ofciellement des entraînements Hyrox et en octobre, j’ai participé moi-même à ma première compétition à Milan.

Quel est le profl sportif des personnes qui s’entraînent à l’Hyrox ?

Chez nous, 80 % sont des gympeople, autrement dit des gens qui s’entraînaient jusqu’alors principalement en salle de ftness. Mais ce ne sont pas forcément des athlètes expérimentés. Pour la plupart, c’est la course qui représente le plus gros déf. Il faut quand même courir huit kilomètres lors d’un Hyrox !

Tu sens que les gens se passionnent pour l’Hyrox en ce moment ?

À fond ! Depuis que l’on propose des séances d’Hyrox, on a connu une croissance de 20 %.

Quel est le niveau d’ambition des athlètes qui s’entraînent dans ton club ?

La plupart suivent entre deux et quatre séances par semaine. Avec ça, on peut

À

propos d’Alexis Bernier

boucler un Hyrox en environ 1 heure 20 à 1 heure 30 minutes. Beaucoup commencent à s’entraîner chez nous sans imaginer un jour participer à un Hyrox : ils pensent que c’est trop dur pour eux. Mais avec le temps, ils réalisent que c’est loin d’être impossible.

Le Crossft représentait déjà un format de compétition basé sur des exercices de ftness. Pourquoi l’Hyrox parvient-il à toucher un public plus large ?

Le Crossft est très élitiste, les exercices en compétition sont tellement techniques qu’il y a un grand risque de blessure si on ne les maîtrise pas parfaitement. L’Hyrox, c’est un peu comme un marathon : tout le monde peut y participer à partir du moment où l’on peut courir huit kilomètres.

Donc les personnes participant à l’Hyrox ne sont pas toutes hyper-entraînées ? Ce qu’on voit sur les réseaux sociaux ne refète pas du tout la réalité. Les athlètes vraiment au top représentent peut-être

Dans sa jeunesse, le Français était un coureur de demi-fond (800/1500 m) plein de promesses qui s’intéressait aussi au triathlon. Lassé par les exigences de cette discipline, il découvre l’univers des salles de fitness où il passe de nombreuses heures à sculpter son corps. Une passion qui le conduit à Zurich, où il ouvre sa propre salle début 2024 : A’Lab. Au même moment, le trentenaire découvre l’Hyrox, et comme il l’explique : « J’ai tout de suite su que c’était mon sport. » Il a déjà remporté trois victoires dans sa catégorie d’âge sur des compétitions Hyrox.

Toutes les infos sur l’événement Hyrox à Genève les 11 et 12 octobre ici.

5 % du lot. On le remarque aussi dans la taille des catégories : chez les Pros, il y a environ 600 participants, alors qu’on en aura jusqu’à 14 000 dans les Open. Ce qui est génial avec le format Hyrox, c’est qu’il n’y a pas de limite de temps. La compétition s’arrête quand le dernier ou la dernière a terminé. Ça peut durer plus de 2 heures et 30 minutes.

Dans l’Hyrox, on voit beaucoup d’athlètes courir torse nu. Est-ce devenu une norme ?

Non, c’est parce que la plupart des compétitions d’Hyrox ont lieu dans des halles où il fait souvent 20 à 25 degrés, soit de grosses températures si tu es à fond.

À quoi ressemble un entraînement Hyrox dans ta salle ?

Dans les cours Hyrox, on se concentre sur les huit stations et sur l’exécution correcte des mouvements, souvent en intervalles.

«Ce que l’on voit sur les réseaux sociaux ne reflète pas du tout la réalité : les athlètes vraiment au top représentent 5 % du lot.»

Les entraînements hybrides sont aussi très populaires : on y combine des exercices classiques de force avec charges lourdes et des exercices Hyrox. Cela permet de simuler la fatigue ressentie en compétition.

Tu participes toi-même à des compétitions. Quel est ton objectif ?

Mon meilleur temps est de 56 minutes et 53 secondes, à Berlin. Je veux passer sous la barre des 56 minutes cette saison et me

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qualifer pour les Elite 15. C’est la série de courses Hyrox de haut niveau, réservée aux quinze meilleures femmes et quinze meilleurs hommes au monde.

Ça représente quel volume d’entraînement ?

Je fais onze à douze séances par semaine, sans compter les quatre séances que je dirige moi-même au A’Lab, mes dix heures comme coach particulier et l’administration dont je m’occupe.

Moins élitiste et moins technique que le Crossfit, l’Hyrox doit sa popularité à son accessibilité.

La salle de sport A’Lab : c’est ici qu’on forme la relève athlétique.

HYROX, MODE

D’EMPLOI

En exclusivité pour The Red Bulletin, Elli Stenfors énumère les stations de la compétition Hyrox.

À propos d’Elli Stenfors

La course (8 x 1 km)

« La course est la partie la plus importante de l’Hyrox. Tu cours un kilomètre au départ et entre chaque station. Mais être une bonne coureuse n’est pas forcément gage de réussite à l’Hyrox, car il faut aussi faire des exercices avec des charges lourdes. Si l’on n’est pas habituée, on se retrouve vite avec les jambes en feu. »

À 28 ans, la coach Finlandaise s’est déjà taillée une solide réputation : les séances d’Hyrox qu’elle dispense au BLG-SportsGym sont considérées comme les plus difficiles de tout Zurich. Ancienne nageuse, elle fait un détour par le Crossfit avant de découvrir l’Hyrox, dont elle apprécie le côté endurant. Elle a remporté l’Hyrox de St-Gall 2025, et vise la qualification pour les Elite 15 à Genève et Stuttgart. 1 2 3 4

DÉPART

1.

SkiErg 1000 m

« À la première station, tout le monde est super motivé. L’adrénaline bat son plein, et beaucoup partent trop fort. Oui, il faut se faire mal, mais seulement au point de pouvoir continuer à courir au même rythme par la suite. C’est important d’utiliser tout le corps et pas seulement les bras ! »

2.

Sledpush 50 m

(Femmes 102/Hommes 152 kg, Pros 152/202kg)

« Tu pousses un traîneau avec tout ton corps et il faut aussi que tes chaussures aient du grip pour éviter de glisser sur le tapis. Il faut pratiquer cet exercice régulièrement et idéalement avec des charges plus lourdes qu’en compétition. »

3.

Sledpull 50 m

(même charge)

« Il n’y a pas une technique meilleure que les autres, chacun doit trouver la sienne. La plupart tirent en marchant en arrière, la corde entre les jambes ou sur le côté. Là aussi, l’important est de ne pas compter que sur les bras, qui tiennent la corde, car la force vient des jambes et des hanches. »

4.

80 m Burpee Broad Jump

« Aucun exercice ne trahit mieux ta forme physique. Le cœur s’emballe, les sauts sont épuisants, tout comme la partie pompe, surtout pour les coureurs. Il y a plusieurs variantes pour sauter, se relever. Chacun doit trouver ce qui lui convient. »

5.

1 000 m Row

« Selon moi, c’est la station Hyrox la plus simple. Tu peux garder un bon rythme sans aller à tes limites. À l’entraînement, on peut par exemple ramer 6 à 10x500 mètres avec 30 à 45 secondes de pause. Comme point de repère si tu connais ton temps sur 5 km, il suffit de ramer un peu plus vite que cela. »

5 6 7 8

6.

200 m Farmers Carry

(Femmes 2x16/Hommes 2x24kg, Pros 24/32kg)

« C’est un mouvement simple. Il suffit de marcher en tenant les kettlebells. Mon conseil : penche-toi légèrement vers l’avant. À l’entraînement, je préconiserais de renforcer tout le haut du corps, et en compétition, de bien s’enduire les mains de magnésie avant de commencer. »

7.

100 m Sandbag Lunges

(Femmes 10/Hommes 20kg, Pros 20/30kg)

« Les fentes sont un exercice plus technique. Il faut de la force dans les jambes pour se baisser. Un bon indicateur est d’avoir un angle de 90 degrés au niveau des genoux et des chevilles. À l’entraînement, il faut travailler avec des charges plus lourdes que celles en compétition. »

8.

100 Wall Balls (Femmes 4/Hommes 6 kg, Pros 6/9 kg)

« Mentalement, c’est la station la plus exigeante, et la plus impitoyable, car c’est la dernière. Ça peut être humiliant, car c’est le moment où tu peux ruiner tout ton Hyrox. Les hanches doivent descendre plus bas que les genoux à chaque squat car sinon, la répétition ne compte pas. »

RED BULL TANDEM SPLASH.

LES VÉLOS LES PLUS ORIGINAUX DE SUISSE.

Voyage / Playlist / Montre / Énigme / Film / Agenda

LE JOYAU D’ARGENT BOLIVIEN

À la découverte du désert de sel du Salar d’Uyuni

MYSTIC DESERT

10 000 km 2 de blanc. Dans le Salar d’Uyuni, en Bolivie, le plus grand désert de sel au monde, le soleil tape deux fois plus fort, le ciel et le sol se confondent, et les illusions d’optique font vriller le cerveau.

« Les lobes, les narines et les lèvres ! » C’est la première formule que l’on nous assène dès notre arrivée dans le Salar d’Uyuni, le plus grand désert de sel au monde. En d’autres termes : dans ces hauts plateaux boliviens, quiconque ne s’enduit pas chaque millimètre de peau de crème solaire risque de se souvenir longtemps de ce voyage. Entre un soleil qui tape le crâne telle une fournaise (à 3 656 mètres, l’atmosphère se fait si mince qu’elle filtre à peine les UV) et le sel qui réfléchit la chaleur sous les pieds, les endroits les plus improbables de notre corps s’empourprent et brûlent douloureusement. J’y gagne pour ma part un bon coup de soleil entre les doigts. Classique erreur de débutante…

Quand on a enfin compris comment éviter de rôtir comme une volaille dans ce désert de 10 582 km², la vraie magie commence. Car ici, à Uyuni, on a l’impression d’être sur une autre planète. Ce village de 20 000 âmes sera mon point de départ. Autrefois plaque tournante de l’argent, du plomb et du lithium, Uyuni ressemble aujourd’hui à une ville fantôme, avec pour attraction principale un cimetière de trains peuplé d’immenses robots de ferraille. Un véritable décor post-apocalyptique qui, combiné au réseau téléphonique capricieux, renforce cette impression que quelque chose d’incroyable nous attend derrière l’horizon.

Un rêve éveillé ?

Quelques kilomètres plus loin commence le blanc. Le cerveau pense d’abord à de la neige, ce qui n’est pas totalement absurde, car à ces altitudes, les températures nocturnes passent sous la barre du zéro entre juin et août. « La structure des grains de sel en nid d’abeilles permet d’équilibrer les tensions lors du séchage du sol », m’explique-t-on. Un phénomène que l’on retrouve expliqué dans des VOYAGE/

Autrice à succès de récits de voyages (en allemand), Waltraud Hable parcourt la planète avec sa valise pour domicile.
DUR COMME DU CRISTAL Dans les hôtels, absolument TOUT est en sel.
MAD MAX Le cimetière de trains est digne d’une scène de film.

SALAR DE UYUNI Décor surréel et merveilleux, ce désert s’étend à l’infini tel un immense miroir argenté.

« Dans ce décor, le cerveau perd rapidement tout sens de l’orientation. »

milliers d’ouvrages, mais qu’on ne peut vraiment comprendre que quand on le voit réellement.

Autre information essentielle: ce désert de sel ne s’improvise pas. Certes, on peut l’explorer à moto ou en 4×  4, mais si l’on décide de s’embarquer en solo dans cette aventure, mieux vaut être calé en mécanique et ne pas oublier son GPS satellite. Car lorsque ciel et sol se fondent en une surface aveuglante (ce qui arrive très vite), toute notion de direction ou de distance disparaît, et force même le respect des plus grands pros du Rallye Dakar, la course tout-terrain la plus impitoyable au monde qui a traversé ce désert salin de 2014 à 2018.

Entre le sel qui ronge l’électronique et les freins, et le paysage qui se change en un immense miroir par temps de pluie (phénomène pour lequel le Salar est si célèbre), on est complètement livré à soimême en cas de panne. Pour cette raison, la plupart des touristes optent pour des excursions guidées. Mon guide s’appelle Alejandro. La plupart du temps em-

Conseils de voyages

Meilleure période Privilégier la saison sèche, de mai à novembre, car plus de zones du désert de sel seront praticables. Pendant la saison des pluies, de décembre à avril, une couche d’eau recouvre la surface saline et les risques de s’embourber augmentent, mais le paysage se transforme alors en un immense miroir.

Comment s’y rendre Depuis l’Europe, prendre un vol jusqu’à El Alto puis un vol intérieur jusqu’à Uyuni.

mitouflé de la tête aux pieds (l’expérience qui parle), le trentenaire a très vite compris que sans arbre ni ombre, le cerveau ne dispose d’aucun repère pour estimer les tailles ou les distances. Le désert de sel se prête si bien aux illusions d’optique que nous improvisons une séance photo loufoque en jouant avec les prises de vue et les jeux de perspectives. Ceci avant de rejoindre l’Isla Incahuasi, îlot rocheux couvert de cactus centenaires qui servait de refuge aux Incas, et qui offre un point de vue circulaire idéal pour embrasser le désert d’un regard. Chaque fois que l’on pense avoir tout vu, la région nous surprend, avec ces flamants roses picorant des crabes dans les lagunes ou avec cet hôtel qui se dresse soudain devant nous avec ses murs et ses couchettes entièrement sculptés dans d’épais blocs de sel. Ni eau courante ni chauffage, mais un abri bienvenu pour passer la nuit. Pourtant, le secret le mieux gardé de ce paysage n’apparaît pas devant nous mais en nous : cette sobriété visuelle, ce silence (pas même un pépiement d’oiseau), laisse le cerveau tourner en roue libre. Un silence parfois bienvenu pour remettre les pendules intérieures à l’heure.

IG : @waltraud_hable

PLAYLIST/ DES LIENS

PROFONDS

Une voix envoûtante, des pépites musicales entre acoustique et électro, Monolink est un artiste inclassable et terriblement addictif : on aime !

Steffen Linck aka Monolink est de ces artistes que l’on n’oublie pas : l’auteur-compositeur-interprète allemand est connu pour ses créations musicales uniques, savant mélange de guitare acoustique sur des rythmes électro et deep house – un son incomparable qui invite à la fête et à l’exubérance autant qu’à la réflexion et la mélancolie. Son premier album, Amniotic, sorti en 2018, lui a valu une reconnaissance internationale, confirmée par un second album en 2021, Under Darkening Skies, un opus surréaliste tout en profondeur et en sensibilité. Son troisième et dernier album, The Beauty Of It All, conserve la même ambition musicale et verve poétique qui ont fait son succès. Les singles Mesmerized, Powerful Play et Avalanche donnent un avant-goût de l’opus qui sortira fin septembre. Des textes intelligents posés sur une voix suave et des beats lancinants : artiste du mélange des genres, Monolink nous dévoile quatre titres qui l’ont marqué à vie.

Oasis

Don’t Look Back in Anger (1996)

« C’est cette chanson qui m’a donné envie d’apprendre la guitare, quand j’avais environ 15 ans. Il existe une version live où Noel Gallagher la chante seulement accompagné de sa guitare, dans le bar d’un hôtel, et ça m’a bouleversé. Je me suis entraîné jour et nuit. Pour moi elle reste encore l’une des plus belles chansons de tous les temps. »

Pink Floyd Time (1973)

« J’avais acheté The Dark Side Of The Moon sur un marché aux puces parce qu’on m’avait dit que cet album était culte, et aussi parce que la pochette me plaisait. Un véritable voyage psychédélique dont l’un des morceaux légendaires est Time, grâce au fameux solo de guitare de David Gilmour et aux paroles qui parlent de l’ennui d’une vie en banlieue – ce que je vivais à l’époque. »

Leonard Cohen Last Year’s Man (1971)

« Leonard Cohen a brisé les carcans de l’écriture lyrique, avec des textes sans vers et sans refrain. Last Year’s Man est si intime et si mystérieux qu’encore aujourd’hui, j’ai des images qui me viennent à l’esprit quand je l’écoute. Il faut écouter attentivement pour accéder pleinement à cette musique, et c’est comme ça que j’écris mes textes. »

Nicolas Jaar Space Is Only Noise (2011)

« Je ressens dans la musique de Jaar une passion pour la musique et le mélange des genres qui m’est familière. Alors que je considérais l’acoustique et l’électro comme deux mondes distincts, il a voulu s’amuser à les mélanger. Space is Only Noise est un chef-d’œuvre, et le morceau-titre de l’album allie la douceur des voix à des synthés survoltés. »

Monolink sera le 17 octobre à la Halle 622 à Zurich. mono.link
CLAIR-OBSCUR Pour son nouvel album, Monolink opère un retour aux sources : « À la campagne, en pleine nature. »

À bloc vers la finale à Dubaï

MONTRE/

À L’ASSAUT DES CIRCUITS

IWC entre dans une nouvelle dimension. Inspirée du film F1 avec Brad Pitt, la Pilot’s Watch Performance Chronograph 41 incarne la passion du sport automobile et une précision sans compromis.

Le boîtier abrite un mouvement chronographe automatique. Le calibre de manufacture robuste, à commande par roue à colonnes, garantit une réserve de marche de 46 heures et une mesure du temps précise même dans les conditions les plus extrêmes.

« La Formule 1, entre technologie de pointe et courses chargées d’adrénaline. » Une devise qu’IWC a fait sienne, à travers son échelle tachymétrique, sa lunette en céramique ou encore son bracelet en caoutchouc : ce chronographe rime avec vitesse et contrôle, fidèle à l’esprit et aux couleurs de l’équipe fictive APXGP du film F1, sorti en juin au cinéma. Une touche hollywoodienne encore soulignée par le boîtier, véritable chefd’œuvre d’ingénierie de 41 millimètres de diamètre en or rouge 18 carats et orné d’appliques dorées. 24 000 CHF, iwc.com

UN JEU

D’ENFANTS

Voici un défi casse-tête avec un bon coup de boost pour ta forme mentale. Résous des lignes grâce à ta vision spatiale –et entraîne-toi pour Red Bull Tetris® !

Le défi

Tout le monde connaît le principe de Tetris : faire tomber les blocs de manière à former des lignes. Chaque ligne ainsi complétée disparaît. À toi de jouer : comment ces blocs colorés doivent-ils être agencés, et dans quel ordre, pour vider le plateau ?

PERSPECTIVES

Les compétences

Tu entraînes ici ta perception spatiale : la capacité à percevoir en trois dimensions, essentielle dans le sport ou le travail manuel. Cela renforce aussi ton attention et ta concentration.

Destination Dubaï Participe à Red Bull Tetris® et qualifie-toi pour la finale mondiale ! Joue sur ton smartphone pour peut-être atteindre la finale nationale et décrocher un billet pour Dubaï (Émirats arabes unis), où des drones désigneront le ou la gagnant·e. Scanne le code. C’est parti !

FILM/

AU PLUS PRÈS DES LIMITES

Des pistes glacées, une vitesse vertigineuse, et une mince ligne entre chute et triomphe. Le film documentaire Downhill Skiers –Ain’t No Mountain Steep Enough suit les skieurs et skieuses de descente pendant une saison.

Une descente. Deux minutes. À fond. Un combat physique entre gloire et tragédie, entre dépassement de soi et affrontement avec l’adversaire le plus redoutable : la piste. Que ressentent les skieurs et les skieuses de compétition à cette intersection entre espoir et peur, rêve et douleur ? C’est cela que montre le film documentaire Downhill Skiers – Ain’t No Mountain Steep Enough . Pendant toute une saison, l’équipe de tournage a suivi de près plusieurs stars mondiales de la descente – dont la révélation Cyprien Sarrazin, ainsi que Marco Odermatt, Franjo von Allmen et Dominik Paris. La descente est considérée comme la discipline la plus exigeante et la plus dangereuse du ski alpin. À des vitesses pouvant atteindre 150 km/h, les athlètes dévalent des pistes gelées, réalisent des sauts de plusieurs mètres, et doivent prendre des décisions en une fraction de seconde, sachant qu’un infime faux pas peut entraîner une chute ou une blessure grave. Le film capture cette tension à travers des images spectaculaires – tout en s’attardant sur les moments plus calmes, souvent plus révélateurs : des instants passés en famille, des confidences, le travail mental et les phases d’introspection. Tout converge vers le jour de course, celui où se décide si les coureurs et les coureuses ont su comprendre la piste, s’adapter, et ajuster leur style de manière optimale. Mais l’adversaire principal reste la neige : parfois glacée, parfois molle, parfois étroite ou bosselée – toujours imprévisible. Une seconde d’inattention peut tout faire basculer. Les combinaisons ultrafines, les airbags et les casques n’offrent qu’une protection limitée.

RECONNAISSANCE Le skieur suisse Justin Murisier à Sun Valley en 2025.

Le réalisateur Gerald Salmina et son équipe ont suivi leurs protagonistes tout le long du calendrier de la Coupe du monde, du dernier rendez-vous de la saison 2024 à Saalbach aux Championnats du monde 2025, également à Saalbach. Douze mois d’immersion brute et authentique. Le film dévoile aussi le quotidien des athlètes : entraînements, préparation mentale, et le tumulte intérieur après la ligne d’arrivée.

Downhill Skiers – Ain’t No Mountain Steep Enough n’est pas seulement un incontournable pour les fans de ski, mais un portrait captivant de passion, de volonté et de courage : celui de repousser sans cesse ses propres limites.

Downhill – Ain’t No Mountain Steep Enough fera sa première suisse dans le cadre du Zurich Film Festival, le 1er octobre. La sortie officielle en Suisse alémanique est prévue pour le 23 octobre.

RÉGLAGE PARFAIT Le réalisateur Gerald Salmina, entre action et émotion pendant le tournage.
« La marge est étroite. Quand on pousse trop, le dénouement peut être dramatique. »
Marco Odermatt
À TOUTE ALLURE Le skieur suisse Marco Odermatt lors de l’entraînement de descente à Kitzbühel en 2025.
L’AMOUR DU RISQUE L’Italien Dominik Paris a terminé quatrième de la descente de Wengen en 2025.

AGENDA/

ÇA SENT LA FÊTE !

Créativité, action, musique et fun – avec ces événements, la saison automnale promet d’être inoubliable.

14

septembre

Red Bull Tandem Splash

5

au 7 septembre SGRAIL

78 Silvaplana

Un paysage montagneux à couper le souffle, des parcours exigeants et un programme varié : voilà les éléments qui constituent ce festival de triathlon qui attire les passionné·e·s en Engadine. SGRAIL, c’est natation, gravel bike et trail running. Un week-end centré autant sur la compétition que sur l’expérience partagée. sgrail.country

13

et 14 septembre

Groove

Session

Le plus grand battle de Suisse est de retour à Neuchâtel avec les stars internationales du breaking ! Samedi, place aux meilleurs crews. Dimanche, un duo tiré au sort réunira un enfant et un adulte. Rendezvous pour ce show hors normes sans distinction d’âge, de genre ni d’origine. groovesession.ch

La piscine de Bellerive, à Lausanne, s’apprête à se transformer en une arène spectaculaire : quarante duos parcoureront une piste semée d’obstacles au-dessus de l’eau… à vélo tandem – le tout dans des tenues complètement délirantes. Imagination et équilibre feront la différence. Un après-midi sous le signe des surprises et de l’hilarité. redbull.com

11 au 13 octobre

Freestyle Roots

Des figures aériennes spectaculaires, du freestyle rap, des créations hautes en couleur à la bombe de peinture – voilà à quoi ressemble le festival Freestyle Roots. Pour son cinquième anniversaire, l’événement réunit des talents en skateboard, snowboard, vélo, ski, breaking et graffiti. freestyleroots.ch

11

juillet au 12 septembre

Red Bull

Downtime

Du DH, dans les légendaires bikeparks de Champéry, de la région Dents du Midi, du Lenzerheide Bike Kingdom et de Verbier. Sur un segment défini, on mesure ton temps. À la fin de la saison, la personne en tête du classement remporte une invitation exclusive pour assister au Red Bull Hardline au Pays de Galles (UK). La ligne la plus extrême du monde est réservée aux pros invités. redbull.com/downtime

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au 19 octobre

Cycle Valley

La vallée du Rhin accueille son propre festival du vélo ! Les fans de cyclisme se retrouvent au centre du village de Au (canton de Saint-Gal) pour la première édition de ce format transfrontalier. Pendant trois jours, la communauté vélo fête la fin de saison – en VTT, vélo de course ou gravel. Le tout accompagné de musique live, DJ et spectacles variés. cyclevalley.ch

17 et 23 août

Red Bulls Salute

Le tournoi Red Bulls Salute réunit de nouveau des équipes internationales de hockey sur glace à Zell am See-Kaprun pour un échauffement estival. Les hôtes : le EC Red Bull Salzburg (douze fois Champion d’Autriche) et le EHC Red Bull München (quatre fois Champion d’Allemagne). Ils accueillent l’EV Zoug (triple Champion suisse) et le Rögle BK de Suède, vainqueur de la Champions Hockey League 2021/22. ecrbs.redbulls.com

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Gizelle McBride

Des talents de la littérature suisse se livrent sur des sujets qui leur tiennent à cœur, en leur donnant un twist positif.

Le marathon littéraire de Lorenz Langenegger ou comment composer avec les piques

est ce qui me pousse vers mes limites, voire même au-delà… Et à chaque fois, j’y retourne, je fonce. De mon plein gré. Et j’adore ça. Récemment, j’ai animé onze séances de lecture dans des classes – en seulement quatre jours. Je me suis donné à fond, jusqu’à épuisement – à tel point que j’ai terminé ce marathon complètement malade, obligé de rester au lit pour récupérer. On ne peut pas dire que je sois un sportif de l’extrême, bien au contraire : mon métier, c’est d’écrire des bouquins. Fini le temps où les écrivains collaient au cliché du vin rouge et de la cigarette. Beaucoup de mes collègues sont des passionnés de course à pied, de natation ou de vélo. Un bon ami m’a ainsi rendu visite à Vienne (Autriche) où j’habite, avant de faire la route jusqu’à Nice en vélo – plus de 2 000 kilomètres à pédaler ! Il a mis huit jours et neuf heures. La course s’appelle Three Peaks, une épreuve d’ultracyclisme en autonomie complète – un euphémisme ! Pour atteindre les points de contrôle dans les Dolo-

mites, les Alpes et les Vosges, il faut gravir des milliers de mètres de dénivelé. Peter Bichsel, lui, regardait chaque été le Tour de France, de la première étape à l’arrivée finale à Paris. Jusqu’au-boutiste, le Peter : ça aussi, c’est une forme d’extrême, si on veut. Pas le genre de défis qui m’attirent : je n’arrive jamais à courir plus de dix kilomètres, j’utilise le vélo uniquement pour faire les courses ou aller au théâtre, je ne sais pas grimper et n’ai pas skié depuis plus de vingt ans. Le seul sport que je pratique, c’est un peu de muscu pour le dos – et si je saute dans l’eau, c’est uniquement pour me rafraîchir et pas pour nager. Mon sport extrême à moi, c’est lorsque je me confronte à des classes de gamins. C’est devant eux que je sors véritablement de ma zone de confort.

Ce n’est un secret pour personne : les enfants sont non seulement le public le plus sincère, mais aussi le plus exigeant. Les adultes choisissent d’aller te voir ou t’écouter. Ils viennent à des lectures pour découvrir un auteur, ou pour se faire une idée du livre.

Leurs visages ne trahissent rien. Ils sont polis, discrets. Ils répriment leurs bâillements, prennent un air intéressé, même s’ils pensent à ce qu’ils vont boire après ou s’ils sont prêts pour la réunion du lendemain. Ils m’écoutent, applaudissent gentiment à la fin, me saluent à la sortie, parfois achètent un livre et me demandent une dédicace. Récemment, j’ai animé onze lectures scolaires en quatre jours. En général, deux classes à la fois, cinquante enfants en face de moi. Ils sont curieux, ouverts, me sourient, chuchotent, se retournent, se laissent distraire par le concierge dehors. Certains dévorent régulièrement des pavés, d’autres n’ont jamais lu un livre. Ils veulent savoir combien de temps je mets pour écrire un roman. Combien je gagne. Et surtout : Messi ou Ronaldo ? Quel est mon club de foot préféré ?

Dix minutes après le début, je lis le premier chapitre. Un garçon lève la main : « C’est super ennuyeux, ce que vous racontez. » Aïe. Ça fait mal. Je fais bonne figure. Il va falloir qu’il tienne bon. Et moi aussi. Je continue avec deux chapitres supplémentaires. Ce n’est pas ma première lecture. J’en ai déjà fait six en deux jours devant douze classes – trois cents enfants. Ils étaient captivés. Je sais que l’histoire fonctionne : un fantôme qui surgit, un garçon trop grand pour y croire, son meilleur ami, sa grande sœur, sa mère, le père de son ami. C’est leur monde. Je le connais aussi. J’ai moi aussi été ce garçon amoureux de la grande sœur de son meilleur copain.

Il y a un lien entre eux et moi. Un lien qui traverse trente-cinq ans. Il pourrait en traverser bien plus. On se raconte des histoires écrites il y a 350 ou 3 500 ans, des histoires que tout le monde comprend. On souffre, on rit, on se réjouit des mêmes choses... Parce que nous sommes tous humains. C’est cette magie-là que j’essaie de faire naître à l’école, et ça demande de l’énergie : alors forcément, il faut bien que je garde ma concentration – et celle de mon jeune public.

Entre les lectures, je prends une pause : je pars me promener, me laissant éblouir par le soleil du printemps, respirant de toutes mes forces l’air du quartier. Je cherche un restaurant où déjeuner parmi les ouvriers qui posent des panneaux solaires sur les toits. Après la troisième lecture, c’est la fin de la journée et je sors, complètement rincé. Quand je m’assois dans le bus du retour, il me faut en général à peine quelques minutes pour m’endormir... Quel bonheur.

Il faut bien l’avouer : j’appréhende toujours un peu cette confrontation avec les enfants. Et ma crainte est souvent justifiée ! Pourtant, dès qu’on me propose d’intervenir dans une classe, je saute sur l’occasion. J’ai écrit des pièces de théâtre pour les enfants, et récemment un roman. Lors de mes ateliers d’écriture jeunesse (que j’appelle mon « Laboratoire littéraire »), je viens dans les écoles expliquer à des enfants médusés que nous allons écrire ensemble une œuvre com-

« On raconte des histoires que tout le monde comprend. On souffre, on rit, on se réjouit des mêmes choses… C’est cette magie-là que j’essaie de faire naître à l’école. »

mune. Eux et moi. Je leur dis que pour le temps que nous allons passer ensemble, nous sommes tous des écrivains, qu’il n’y a pas de différence, que je ne suis pas meilleur ni plus intelligent qu’eux – juste plus vieux. Peu importe si je suis bon ou mauvais : ce qui compte, c’est que je ne peux pas écrire leurs histoires à leur place. C’est maintenant à eux d’écrire la leur. Les enfants et les adolescents vivent dans le même monde que moi, mais leur quotidien m’est étranger. Je prépare mes expéditions du mieux que je peux. Je vérifie mes instruments. Mais je reste vulnérable. Plus je suis exposé, plus je peux me blesser. L’ambiance peut basculer. Un mot de travers, et je perds pied. La veille, je dors mal et me réveille souvent avant l’aube. Parfois, il m’arrive aussi de me maudire : au lieu d’aller dans cette école, pourquoi ne suis-je pas resté chez moi, tranquillement, à écrire de belles phrases en buvant une tasse de thé ? Mais au lieu de ça, j’ai choisi, encore une fois, de passer une semaine à affronter du matin au soir une horde de jeunes en pleine poussée hormonale. Si je le fais, c’est aussi pour vivre des moments magiques, des moments que je ne peux vivre que pendant ces séances du « Laboratoire littéraire » –comme avec ce garçon qui passe les trois premiers jours de l’atelier sans écrire un seul mot. Parce qu’il n’a pas d’idées, ou qu’il ne veut pas écrire. Je préfère le laisser tranquille. Dans un coin, des vieilles machines à écrire l’intriguent, et il commence, pour se distraire, à les démonter et à les remonter. Il a les doigts couverts de taches d’encre, mais il semble heureux, ce qui finit par me rassurer. Pourtant, le dernier jour de l’atelier, pendant la pause, je l’aperçois en larmes, et viens le chercher pour lui demander discrètement ce qui se passe : il m’avoue que les autres enfants lui reprochent de ne rien faire, de ne pas participer – ce en quoi ils n’ont pas tort… Mais j’essaie de le consoler comme je peux. Après la pause, il s’assied tout au fond, pendant que je suis occupé à gérer le reste du groupe : c’est le sprint final et on va récolter les quelque vingt textes qu’il faudra assembler en une seule histoire. Deux heures plus tard, je passe près de lui. Et là, je n’en crois pas mes yeux. Il écrit ! Non, mieux que ça : il noircit page après page. Une histoire de chat, qu’il sauve d’un train lancé à toute vitesse, puis d’un renard aux yeux brillants. Il se lie d’amitié avec lui, et finit par le rendre à sa maîtresse, folle de joie.

Pour clore la semaine, nous faisons une lecture publique. Je lui demande s’il veut lire son texte. Il monte sur scène, ajuste le micro, se racle la gorge, et commence à lire. Et soudain, toute la classe se tait. Ils écoutent leur camarade. Bouche bée.

LORENZ LANGENEGGER

Né en 1980 à Gattikon (ZH), il partage sa vie entre Vienne et Zurich. Il écrit pour le théâtre, la télé, et a publié six romans (en allemand, non traduits) aux éditions Jung und Jung.

10 questions à Cachita

La musicienne et animatrice défend avec clarté et émotion la liberté d’expression, l’amour et les valeurs féministes, en les exprimant aussi bien dans sa musique que dans ses émissions.

Ta mère est originaire de Cuba, ton père de Suisse ; le meilleur des deux mondes ?

Cuba est synonyme d’ouverture, de joie de vivre et d’amour. La Suisse est fiable, organisée et ordonnée.

MULTITALENT. Cachita, 26 ans, de son vrai nom Gabriela Mennel, a notamment animé le programme radio de la SRF Female Music Special. @caachiiita

Quel a été ton déclic musical ?

Certainement Bounce Cypher22. Et Sing meinen Song Grâce à cela, j’ai aussi touché un public plus large.

Lequel de tes morceaux préfères-tu ?

C’est une question très difficile. C’est comme demander à des parents quel enfant ils préfèrent (rire).

Ton talent caché ?

J’adore les émissions de True Crime, je connais plein de faits sur des affaires criminelles.

Un mot que tu ne peux plus supporter ? Je ne peux plus entendre le mot « vibe ».

Si tu pouvais être quelqu’un d’autre pendant une journée, qui serais-tu ?

Rosalía. Elle m’inspire énormément. Et j’aimerais savoir à quoi ressemble ma vie future (rire)

Un extraterrestre te demande ce que sont les humains. Tu réponds... … des extraterrestres.

Fais-tu

des rêves absurdes ?

Souvent. Petite anecdote : je peux prendre des décisions dans mes rêves.

Qu’est-ce que tu voulais devenir enfant ?

Sorcière ! Là, tu peux faire de la magie, faire ce que tu veux, et être vraiment puissante. Plus tard, c’est devenu chanteuse.

Comment décrirais-tu ton style musical ?

Polyvalent, surprenant, sans frontières. Je n’aime pas me cantonner à un genre, ni à une langue.

Je fais de la musique en suisse allemand et en espagnol. Ça parle beaucoup parle d’amour… j’aime l’amour.

Une nouvelle ère de la sécurité.

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